Pour innover : adopter des rôles provisoires et des objectifs ouverts
Billet du futur #115 : L’état d’esprit d’incertitude
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
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Bonne lecture,
Sam
Un peu de contexte
Le sujet du jour peut sembler trivial tant nous sommes habitués à lire partout que “nous entrons dans une nouvelle crise”, et que désormais nous devons apprendre à faire face à l’incertitude.
Aussi loin que je me rappelle, chaque année apporte son lot de crises, chacune ayant des impacts plus ou moins importants sur la façon dont nous considérons notre travail et dont nous gérons nos entreprises.
Alors on est passés de l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity) à BANI (Brittle, Anxious, Non-linear, Incomprehensible) pour décrire le monde dans lequel nous vivons. Mais si nous parlons beaucoup de ce monde d’incertitude dans lequel nous vivons, nous parlons moins de l’état d’esprit à adopter et des bonnes pratiques très concrètes à mettre en place dans ce paradigme.
Vaughn Tan, lui a exploré le sujet de fond en comble, il est auteur, chercheur et consultant pour différents gouvernements. Il est titulaire d’un doctorat à l’université d’Harvard sur l’état d’esprit d’incertitude.
“Mes recherches sur le terrain se sont concentrées sur la compréhension de la manière dont des équipes R&D performantes ont intentionnellement introduit de l'incertitude dans leurs processus de recrutement, de motivation et de définition des objectifs afin de devenir plus innovantes, adaptables et efficaces.”
Alors quand Laetitia Vitaud (qui n’est jamais loin des documentaires Work in Progress) m’a présenté Vaughn, j’ai immédiatement eu envie de l’interviewer dans notre prochain documentaire.
Et on n’a pas eu à aller bien loin, Vaughn vit entre Singapour et Marseille, on a choisi l’option à 3h de train de Paris pour aller le rencontrer en septembre, et voici ce que je retiens.
L’état d’esprit d’incertitude
Vaughn commence par distinguer la vraie incertitude de la notion de risque, que l’on a tendance à mélanger :
Le risque c’est connaître les résultats et actions possibles, connaître leurs probabilités et avoir une idée des conséquences potentielles.
L’incertitude c’est ne pas connaître les résultats et actions possibles, ni les probabilités et les conséquences potentielles.
A partir de là, Vaughn définit l’état d’esprit d’incertitude comme le fait d’accepter l’idée qu’il existe des inconnues qu’on ne peut pas mesurer ou optimiser.
Ça peut vous sembler évident ou bien trop conceptuel, mais c’est important car cet état d’esprit change la façon dont on travaille, dont on manage, et dont on vit.
On comprend bien que le monde dans lequel nous vivons n’est pas un monde de risques, mais un monde de vraies incertitudes. On ne sait pas quel sera l’état du climat dans 100 ans, on ne sait pas quelles guerres auront éclaté entre temps ou encore quelles seront les frontières… Et on ne peut pas le savoir. Et si nous voulons adopter la bonne approche à court terme par rapport aux aux défis de long terme qui nous sont posés, nous devons intégrer cet état d’esprit d’incertitude.
Maintenant la question c’est : qu’est-ce que ça veut dire concernant notre façon de travailler ?
Des rôles provisoires. Une des choses qui fait que quelqu’un est adaptable et innovant est sa capacité à comprendre qu’il n’est pas la même personne qu’il sera dans le futur. Le changement ne peut advenir que si on se voit soi-même comme quelqu’un qui évolue. En entreprise, cela se traduit par le fait de ne pas assigner quelqu’un a un rôle figé. Vaughn recommande d’avoir des rôles qui sont provisoires, qui sont régulièrement modifiés pour élargir la fiche de poste, rendre chacun polyvalent. Il suggère d’avoir au moins 25% du temps de chacun plus ou moins libre pour faire de nouvelles choses, que chacun puisse choisir comment apporter de la valeur et résoudre les défis de l’entreprise. Ce choix n’est pas unilatéral, il repose sur le fait de tester et de montrer que c’est intéressant pour l’entreprise, c’est une constante discussion.
Fixer des objectifs ouverts (open-ended goals) : pour résoudre des problèmes complexes et qui nécessitent du temps, il vaut mieux avoir des objectifs ouverts qui laissent place à de l’adaptation que des objectifs fermés car beaucoup d’éléments vont entrer en jeu et modifier la valeur que nous accordions à l’objectif auparavant. Sur les sujets de climat, ou de démographie qui sont complexes, prennent plein de paramètres en compte et ne s’envisagent que sur le temps long, pour Vaughn ça n’a pas de sens d’avoir des objectifs fermés du type “limiter le réchauffement à 1.5°”. Il faut plutôt avoir comme objectif “avoir des villes habitables”, et les sous-objectifs pour parvenir à ce grand objectif ouvert vont, eux, évoluer en fonction des lieux, des époques et des paramètres.
“Innovation work is best motivated not with carrots but with well chosen sticks.” Quand on essaye d’innover en entreprise, on a tendance à créer un département d’innovation, et à récompenser les succès. Or pour innover il faut des systèmes qui forcent les gens à faire quelque chose qu’ils détestent : échouer. Et ces systèmes fonctionnent mieux lorsque la personne qui innove est celle qui contrôle les contraintes. Oui c’est très conceptuel : en gros pour réellement innover il faut se mettre dans un état d’esprit d’incertitude en se créant des contraintes.
La formation. Adopter l’état d’esprit d’incertitude c’est être de façon permanente dans un processus de reskilling. Vaughn ne fait pas la différence entre upskilling et reskilling, pour lui c’est simplement skilling : développer les compétences nécessaire par rapport à un nouvel environnement, de nouvelles contraintes, de nouveaux objectifs.
Faut-il arrêter de traiter les salariés comme des enfants ?
J’ai ensuite demandé à Vaughn si une des clés de la transformation des organisations était d’arrêter de traiter les gens comme des enfants. Et contrairement à toutes les autres personnes interviewées qui ont répondu par la positive, Vaughn m’a dit que nous gagnerions à traiter tout le monde comme des enfants.
Car les enfants ont sans cesse envie de faire de nouvelles choses, et ce faisant, ils échouent beaucoup, mais ils n’ont pas encore appris que l’échec était mauvais pour d’autres raisons que l’échec lui-même. Or en entreprise, nous avons intégré l’idée que les chefs ne pouvaient pas échouer, car leur grade leur donne une posture de sachant qui n’a pas le droit à l’échec. Et ainsi, ils sont incités à ne faire que ce qu’ils savent faire, ne pas prendre de risque, et ne rien faire de neuf.
S’inspirer des labs de R&D des restaurants gastronomiques
On peut s'inspirer des pratiques d'innovation des laboratoires de R&D en cuisine pour repenser l'innovation en entreprise, car ces environnements culinaires sont des exemples parfaits de gestion de l'incertitude. Dans les labs de cuisine, les chefs créent sans toujours savoir à l'avance quel sera le résultat, mais ils cultivent cette incertitude pour explorer de nouvelles combinaisons de saveurs, textures, et techniques. Ils expérimentent constamment, testent des idées rapidement, et adaptent leurs processus en fonction des retours immédiats. C’est tout l’objet de son livre The Uncertainty Mindset. Une lecture très agréable !
Si ces idées vous ont plu, il a créé le jeu idk, le premier outil de formation pour créer de l’inconfort productif. Chaque carte propose une action à entreprendre pour se rendre intentionnellement et productivement mal à l'aise. Cela peut être quelque chose que vous hésitez à faire, que vous n'aimez pas ou qui vous est étranger, mais chaque proposition est conçue pour favoriser votre croissance et votre apprentissage.
C’est effectivement assez déstabilisant, je recommande !
Si les idées de Vaughn vous plaisent, je vous recommande la lecture de cet article sur le meaningmaking, il développe des concepts sur la façon dont nous envisageons notre travail dans un monde où l’IA existe.
Parrain du futur
Ce billet du futur est parrainé par Work With Island.
Alors je vous vois venir, derrière ce nom exotique ne se cache pas un séjour de télétravail sur une île mais bien la promesse de retrouver de la sérénité au milieu de votre open space. Ils proposent des cabines téléphoniques et salles de réunion insonorisées.
Parce qu’on n’a pas envie de déranger tout le monde avec nos calls au milieu du bureau et qu’on n’a surtout pas envie d’entendre Michel démarrer son weekly par son small talk habituel : “Vous m’entendez, c’est bon ? Alors ce week end?”
Work With Island c’est des cabines pour 1 à 4 personnes, fabriquées en France, faciles à installer et à déplacer. Plus de 2 000 entreprises sont déjà équipées, avec +10 000 installations.
PS : La SNCF ça pourrait être cool d’en mettre dans les TGV aussi, je crois que certains passagers sauraient les rentabiliser.
News 🔥
De retour à Lyon pour une dizaine de jours après des semaines de vadrouille entre tournages et projections. Au programme : un peu de cuisine pour manger autre chose que des sandwichs, beaucoup de tennis, et la préparation de plein de projets très très cools !
Les tournages sont en grande partie derrière nous, il nous reste une grosse session qui aura lieu en janvier, et d’ici-là nous avons déjà attaqué le montage, il y a des heures de plans à trier et sélectionner.
Dans les petits moments qui font plaisir, j’ai pris la parole au plus grand rassemblement de RH du Canada : le Congrès RH, à Montréal, devant près de 1 500 personnes. On a diffusé des extraits de notre documentaire "AI at Work: who runs the office?" et décortiqué tous ces sujets avec un panel. Et quel plaisir d’entendre résonner les notes du documentaires dans une si grande salle. Le meilleur, c’est qu’on a pu vivre ça en équipe, puisque j’avais embarqué la team KÖM. On en a profité pour tourner une interview du prochain docu.
Par ici pour organiser des projections ensemble. (à partir de décembre)
Et la suite des aventures s’est déroulée au Danemark pour comprendre comment ils ont réussi à rendre la transition verte attractive. Ils sont en train de réduire leurs émissions de Co2 de 70% d’ici 2030 en transformant tous les secteurs.
Et le rapport avec le travail ? S’il y a pivot de business model, il y a nécessairement besoin de nouvelles compétences, et les entreprises ont su déployer de grands plans d’upskilling et de reskilling pour embarquer leurs collaborateurs dans cette transition.
⚓ Des ports de pêche de gros et d’hydrocarbures qui deviennent des ports leaders des énergies renouvelables.
🚧 Des champs d’extractions de pétrole et de gaz qui deviennent des zones de stockage de carbone.
On a justement rendu visite au port d'Esbjerg, qui après avoir été un des principaux ports de pêche, puis premier port danois pour les hydrocarbures est devenu le port principal pour les énergies renouvelables au Danemark. Aujourd'hui, plus de 80 % de la capacité éolienne offshore installée en Europe a été expédiée depuis le port d'Esbjerg. Je vous raconte comment ils ont mené ces transitions dans le prochain billet !
On a sorti une vidéo de 10’ pour raconter les deux jours de tournage chez Atelier Tuffery. On partage tout ce qu’il se passe dans un tournage de documentaire. Du matin au soir : le temps passé à discuter, rencontrer, les interviews, les plans de coupe, ce qui nous occupe et les objectifs d’une immersion de deux jours en entreprise !
Merci pour le soutien aux teams Forvis Mazars | Lucca | Neobrain | EDF| Actual Group | 2050NOW La Maison et la Cité de l’économie et des Métiers de Demain
Ah et avec Laetitia Vitaud, nous avons repris notre podcast, dans le dernier épisode on se demande si le salaire devrait être corrélé à l’ancienneté. 30’ dans vos oreilles sur votre prochain trajet, le lien est par ici !
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
1 recommandation : Je t’envoie un épisode de podcast privé de 15’ dans lequel je te partage quelques convictions sur le travail.
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Visionnez mon quatrième documentaire, AI at Work: who runs the office? (2024)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞