Adapter le temps de travail à la réalité
Billet du futur #128 : Ces entreprises dont le travail suit les saisons.
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Et bienvenue à tous les nouveaux abonnés qui viennent de s’inscrire après m’avoir découvert sur une des projections en France ! Super content de vous retrouver ici et bonne exploration des transformations du travail.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Lire la BD “Mais pourquoi j’irais travailler ?” 📖
Bonne lecture,
Sam
Quand je pense au travail saisonnier, j’ai tout de suite l’image du prof de ski l’hiver qui devient prof de surf l’été et tous ceux qui dans les zones touristiques alternent entre “des saisons” et des mois plus calmes d’oisiveté, de voyage, d’études.
Aujourd’hui, pour une majorité de personnes, le travail n’est plus saisonnier, il l’a été pendant des centaines d’années, quand nous étions agriculteurs et vivions au rythme des semis et des floraisons, que nous étions tributaires de la météo et des périodes de l’année qui dictaient nos activités quotidiennes.
Pour une partie de la France rurale, c’est encore le cas, et parfois il ne faut pas remonter bien loin pour retrouver ce rythme. Ma mère qui est médecin revenait de la ville après ses études pour participer à la fenaison tout l’été durant. C’est seulement une génération au-dessus de ma pomme !
Sommes-nous complètement débarrassés du rythme saisonnier ?
La révolution industrielle est venue imposer un rythme nouveau, celui de l’horloge et de la pointeuse pour remplacer celui de la nature.
Si le rythme saisonnier guidé par le temps de la nature a disparu pour une majorité d’actifs qui travaillent désormais dans le tertiaire, cela ne signifie pas pour autant que nous nous sommes débarrassés du fonctionnement en saisons.
Seulement celui-ci est maintenant orchestré par d’autres représentations que celles bien concrètes de la nature.
Pour les comptables, on sait bien que le passage d’un mois à l’autre représente toujours une charge de travail plus élevée, de même que la période fiscale qui s’ouvre au printemps.
Chez les éditeurs de jeux, les semaines qui précèdent la sortie sont d’une intensité folle pour les développeurs et les équipes marketing qui s’agitent avec des journées à rallonge pour boucler des délais qui semblent intenables. Seulement une fois le jeu commercialisé, et avant de se relancer sur un nouveau projet, les journées sont bien plus calmes.
Évidemment en boutique pour les commerçants on retrouve la saisonnalité avec les périodes de frénésie des achats qui entraînent tous les acteurs de la logistique dans la même danse.
Et même dans des métiers où a priori rien n’indiquerait un fonctionnement saisonnier, la méthode agile avec ses fonctionnements par sprints de plusieurs semaines a contribué à redonner une dimension saisonnière aux développeurs, responsables produits et autres fonctions ayant opté pour cette organisation.
Assumer les saisons
Le rythme saisonnier reste bien présent, et dans certains cas avec le forfait jour, les contrats de 35h annualisés et des conventions collectives bien pensées, le droit colle à la réalité du terrain.
Mais pour la plupart des profils non cadres qui signent un contrat de travail, celui-ci reflète peu la réalité du quotidien. Il serait judicieux d’assumer à la fois dans la communication des entreprises vis-à-vis de leurs membres et candidats, et en droit dans la mise à jour du code du travail et la rédaction des contrats, la multitude de rythmes bien différents, propres à chaque métier.
Accepter que certaines semaines, on a besoin de journées de 9h et d’autres, des journées de 4h suffisent amplement.
Accepter que certaines semaines, c’est sur 6 jours que le travail devrait s’étaler quand d’autres semaines il n’y aurait pas besoin ni d’être présent ni de travailler plus de 3 jours.
Ça reviendrait à assumer que le salaire n’est pas là pour dédommager un temps de présence dans l’entreprise mais plutôt récompenser une production.
Et que font les entreprises ?
Basecamp, entreprise américaine qui propose des logiciels et qu’on avait interviewé dans notre tout premier documentaire a choisi de fonctionner avec un rythme saisonnier peu commun :
Du 1er mai au 3 août , le rythme passe à la semaine de 4j en 32h/semaine.
Et voilà ce qu’il disait il y a quatre an sur le sujet :
“L’aspect le plus important qui rend les Summer Hours efficaces pour nous, c’est leur caractère saisonnier. Comme ces horaires ne sont pas les horaires habituels, nous les attendons avec impatience et nous en profitons pleinement, c’est un plaisir exceptionnel. Et lorsque nous repassons aux horaires normaux, avoir 5 jours de travail par semaine nous donne l’impression de disposer d’un luxe de temps !”
Bon entre temps ils se sont pris quelques tempêtes et font moins figure d’exemple, mais cette pratique reste intéressante.
Chez Clinitex, entreprise française de nettoyage, un seuil de satiété économique a été défini, ils l’appellent le seuil de frugalité.
“La conscience de ce seuil est vitale, car elle va nous permettre d'éviter de courir en permanence après des objectifs dont rien ne peut nous dire qu'ils sont justes et raisonnables, et donc de rechercher une accélération sans fin, bref, de s'user, d'user les équipes, de nous user nous‑mêmes, et enfin d'user les ressources dans une quête irrationnelle.” Thierry Pick
Une fois que les objectifs ont été atteints, l’entreprise passe en roue libre. Alors ils continuent de servir des clients, mais c’est une période plus calme pour l’ensemble des 4000 collaborateurs du groupe.
Edouard est venu sur la scène de la WIP Expedition Night nous présenter sa vision de l’entreprise dans une keynote brillante de 20’. A redécouvrir sur YouTube.
Chez Mentimeter, une entreprise suédoise que j’avais dont j’avais interviewé la DRH dans notre documentaire Time to Work, un mois par an, toute l’entreprise se délocalise dans une autre ville européenne, ils travaillent toujours, mais à un rythme plus tranquille et en profitent pour visiter ensemble les alentours. Et les familles des membres sont invitées à suivre l’opération !
Pour la plupart des entreprises tech, la saison calme a plutôt l’air d’être l’été et ils mettent en place des “summer hours” qui s’étalent sur 2-3 mois et peuvent prendre plusieurs formes :
semaine de 4 jours
journées plus courtes chaque jour
vendredi après-midi off
J’ai aussi rencontré d’autres entreprises qui n’autorisent pas ou très peu le télétravail, et qui, de juin à août l’autorisent sans limite !
En fonction de l’activité que vous exercez, la période plus calme n’est pas forcément l’été, mais la mise en place de ce fonctionnement a l’air de beaucoup plaire à ceux qui en bénéficient. Et quand on discute avec les dirigeants / RH qui sont à la manœuvre, ils disent tous que c’est génial parce que parmi la myriade d’initiatives “futur du travail” aux effets discutables, celle-ci est vraiment appréciée des collaborateurs, et simple à mettre en place.
C’est d’ailleurs plus un enjeu de communication que de réorganisation du travail, il s’agit surtout d’officialiser un constat déjà partagé : une partie de l’année, l’activité est plus calme. Et on a tous intérêt à en profiter pour se reposer, faire d’autres choses plutôt que de faire acte de présence au bureau, ou en ligne. Et je trouve ça super sain !
Sans faire exprès, j’ai fait la même chose
J’ai aussi, et sans m’en rendre compte au fil des années, adopté un rythme saisonnier. Aujourd’hui j’en ai conscience, je l’adore et je travaille encore à l’améliorer !
De septembre à décembre c’est une période très intense qui s’ouvre avec des déplacements dans tous les sens, des tournages, des projections, des conférences, des événements.
Puis à la fin de l’année je prends un mois pour me couper de tout, ne prendre aucun appel, voyager, faire du sport, et commencer le montage.
De retour en février, une nouvelle période intense s’ouvre avec moins de déplacements, beaucoup de montage et quelques conférences de temps en temps.
Et arrive le printemps où le rythme bat son plein d’avril à juin avec la sortie d’un nouveau documentaire, des interventions tous les jours et des rencontres à en perdre la tête.
A la sortie de ce tunnel printanier, c’est déjà l’été et les mois de juillet & août sont très calmes, je ne travaille presque pas, à l’exception de la veille que je fais pour préparer le prochain documentaire : lecture, réflexions, écriture, mais aucun appel, aucune gestion de projet, c’est un temps précieux pour faire naître de nouvelles idées, me reposer.
Je n’ai jamais mesuré mon temps de travail, sauf une fois, à la sortie du documentaire Time to Work qui explorait justement cette question. En moyenne, je travaille un peu plus de 40h/semaine, mais c’est très inégal au courant de l’année, avec certaines semaines à 20h tandis que d’autres frôlent les 75h.
Si le sujet des saisons et du travail vous a plu, écoutez notre épisode de podcast avec Laetitia Vitaud sur la différence entre le temps POUR et le temps DE.
Pour ceux qui ne l’écouteront pas :
Il y a le temps “chronos”, la durée, le temps que l’on maîtrise et que l’on mesure avec des montres, c’est le temps physique.
Et puis il y a le temps “kaïros”, le moment favorable, le deuxième sens du mot temps qui ne se mesure pas mais se ressent.
On pourrait ajouter le temps “aiôn”, le temps cyclique : les saisons, la respiration, le sommeil…
Laetitia a d’ailleurs récemment écrit une newsletter géniale Make Work Seasonal Again si vous voulez creuser la réflexion in english !
News 🔥
Et pour changer, cette newsletter a été rédigée … dans un train ! Parce que nous sommes au beau milieu de cette tournée de projections !
Les dates publiques commencent peu à peu à laisser place aux projections privées, en entreprises. J’ai eu la chance d’en animer deux à l’international la semaine dernière et les retours sont aussi enthousiasmants qu’en France. Merci pour toutes ces discussions, ces retours, c'est super précieux.
Si on n’a pas encore eu l’occasion de se rencontrer, plein de moments sont à venir :
PARIS : ça se passe ce jeudi ! C’est une projection toute particulière, c’est la seule que j’organise moi-même, on sera avec toute l’équipe du film, ça se passe au cinéma, on parlera du fond du sujet, on partagera aussi des anecdotes des coulisses des tournages. Rendez-vous ce jeudi, le 15 mai, il reste une poignée de places, c’est les toutes dernières !
Les lyonnais, rendez vous le 20 mai pour le LumièR-H ! Une journée pour éclairer le futur du travail avec des expériences concrètes. J’ai le plaisir d’ouvrir la journée avec une conférence qui mêlera des extraits de mes trois précédents documentaires, on prendra les meilleurs moments pour décortiquer les bonnes pratiques découvertes ! Le soir je serai à Montpellier pour la suite de la tournée avec l’APEC et l’ANDRH !
On ajoute d’ailleurs dans les semaines qui viennent quelques villes : Lille, Tours, Angers et Besançon sont au programme ! Par ici pour les infos sur les prochaines projections. Et à demain à Rouen !
Et pour organiser une projection dans votre entreprise, votre université, ou sur un événement, écrivez-moi par ici !
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
2 recommandations : Je t’offre un accès privé à mon dernier documentaire !
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez les 5 documentaires, dispos en ligne et à regarder sans modération !
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Baladez vous sur notre chaîne YouTube pour découvrir les coulisses des tournages, des extraits des documentaires ou encore des tribunes !
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞






Merci beaucoup pour cette newsletter !
C’est un vrai plaisir de lire un contenu aussi incarné, à la fois personnel, éclairant et ancré dans des exemples très concrets.
On sent que chaque mot est choisi avec soin, chaque idée portée avec sincérité.
On a l’impression de partager une conversation, pas de lire un simple article.
J’ai particulièrement aimé cette exploration du temps de travail sous un angle saisonnier, à la fois très simple à appréhender et terriblement pertinent.
C’est le genre de sujet qui touche tout le monde, qui nous interroge dans notre rythme de vie et dans notre rapport à la performance.
Et c'est fait avec beaucoup de finesse dans cette NL, en oscillant entre souvenirs personnels, pratiques d’entreprises alternatives et retours d’expériences vécues.
Chez Qileo aussi, on croit profondément que de nouveaux modèles sont possibles, dans la façon de travailler, de collaborer, mais aussi dans la manière de gérer son entreprise.
On aide les entrepreneurs engagés avec des fonctionnalités pensés pour eux : un compte pro éthique, des cartes écologiques, un tableau de bord pour suivre leur impact, zéro frais à l’étranger… Et surtout, une pré-comptabilité fluide et une gestion des notes de frais simplifiée, pour libérer du temps là où il est précieux.
Ton approche nous parle particulièrement : allier lucidité sur le système actuel, envie de mieux faire et ouverture vers des formats multiples pour toucher et inspirer.
C’est exactement ce que nous essayons de faire aussi : proposer des solutions concrètes pour celles et ceux qui veulent avancer dans une autre direction, plus responsable, plus humaine, plus alignée.
Merci pour ce moment de lecture qui fait du bien, on en ressort stimulés, inspirés, et prêts à repenser nos rythmes aussi
Super édition, bonne semaine !