Bien payer ses collaborateurs : une question de dignité humaine
Billet du futur #127 : Proginov : rencontre avec un pionnier en terre nantaise !
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
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Bonne lecture,
Sam
La plupart des entreprises pionnières en matière de management, d’organisation, d’outils… de tout ce qui fait le futur du travail, sont souvent bien discrètes sur les bonnes pratiques mises en place. Pas par souci de discrétion, mais souvent parce qu’elles mesurent tout ce qui leur reste à faire plutôt que ce qu’elles ont déjà fait.
J’ai récemment visité une entreprise singulière, dont le nom était arrivé à mes oreilles quelques fois dans les cercles “futur du travail” mais sur laquelle on trouve très peu de contenu.
De passage à Nantes pour la tournée du documentaire, j’en ai profité pour me rendre dans la campagne des Pays de la Loire, à 20-25’ du centre-ville pour passer une matinée chez Proginov.
Proginov est une entreprise qui compte près de 400 salariés, elle édite des logiciels de gestion (ERP), et propose l’intégration, l’hébergement et l’assistance. La plupart de ses membres sont donc sur des postes tech, un marché réputé pour être très concurrentiel ! Même si la plupart des métiers pourraient être effectués à distance, l’entreprise ne donne pas la possibilité à ses membres de télétravailler, sauf cas exceptionnel. Elle n’est pas présente sur les différents jobboards et communique très peu sur sa culture en interne.
Alors comment est-ce possible qu’une telle entreprise reçoive 600 candidatures spontanées par an ? Et comment fait-elle pour n’avoir que 2% de taux de turnover, dans un secteur où la moyenne oscille entre 25 et 30% ?
Bien payer ses collaborateurs : c’est une question de dignité humaine
Proginov part du principe que le meilleur levier d’engagement, c’est le salaire ! Et toutes les études lui donnent raison, peu importe le secteur ou l’âge, même si l’environnement de travail et la mission gagnent des places dans les classements des leviers de motivation, la rémunération arrive toujours en tête des attentes.
Alors Proginov s’est dit qu’ils allaient utiliser une part substantielle de leurs bénéfices pour bien payer leurs collaborateurs. Ils appellent ça “les euros du dessus”, et ça fait vite de beaux packages : un tiers prend la forme de salaire, un tiers arrive sous forme de prime, et le dernier tiers correspond aux avantages en nature et à l’intéressement et à la participation avec des abondements généreux.
Pour en arriver là, il faut déjà des sous évidemment, l’activité est rentable et la nature des services proposés permet une forme de prédictibilité des revenus. Mais surtout, il faut déterminer un seuil de satiété économique des dirigeants pour privilégier la redistribution sur l’ensemble de l’effectif qui crée la valeur. Et faire le choix de flécher une partie de ces ressources vers la masse salariale plutôt que la croissance à tout prix.
Ce choix n’empêche par ailleurs pas à l’entreprise de grandir, en 2024, le CA est en progression de 9%.
Les dirigeants pilotent les rémunérations sur une échelle de 1 à 3. Aujourd’hui, l’écart entre le salaire le plus haut et celui le plus bas n’est que de 2,75 contre 130 en moyenne pour les entreprises du CAC40, avec certains patrons à qui ça ne semble pas poser de problème de gagner plus de 1 000 fois la moyenne des salaires de leurs équipes.
Et les salaires de chacun sont complètement transparents !
Forcément, quand on sait qu’on travaille avant tout pour soi, on y met plus de cœur.
Tous actionnaires !
85% des salariés sont actionnaires, et 100% de l’entreprise appartient à ses dirigeants et ses salariés. Chaque année au mois de juin, une bourse aux actions est mise en place, le prix est calculé en fonction des performances de l’entreprise, et chaque membre de moins de 50 ans peut acheter des actions.
Vous vous demandez certainement comme moi pourquoi quand on dépasse 50 ans on n'a plus le droit d’en acheter. Ils ont mis en place un pacte d’actionnaires en faveur de la transmission intergénérationnelle. À partir de 50 ans, les membres ont l’obligation de revendre 1/15ème de leurs actions par an, et ce jusqu’au départ en retraite pour permettre aux plus jeunes de prendre part à l’aventure progressivement.
J’aime beaucoup l’idée que ce soit les personnes qui font qui possèdent l’entreprise. Et c’est certainement plus important encore étant donné l’activité de Proginov. Ils hébergent des données et dans un contexte géopolitique incertain, les clients sont contents de se dire qu’à long terme l'hébergement de leurs données restera souverain puisqu'aucun actionnaire extérieur ne pourrait monter au capital de Proginov.
Une gouvernance légitime
Les 13 membres du conseil d’administration sont élus par les actionnaires pour des mandats de 6 ans. Et tous les 3 ans également, les actionnaires réalisent un vote de confiance pour que le CA puisse avoir un retour précis de l'opinion des membres sur leurs actions. 80% d’opinions favorables ont été émises à l’égard du conseil d’administration actuel à l’occasion du sondage de confiance il y a quelques mois.
Sur certains sujets l’entreprise applique la démocratie participative à travers des groupes de travail, comme sur le fait de modifier la politique de rémunération en vigueur, de travailler sur des roadmaps éditoriales ou encore sur des sujets de R&D avec le déploiement de l’intelligence artificielle par exemple..
Une organisation étonnante
L’année dernière, Proginov a recruté 44 personnes et reçu +600 candidatures spontanées.
Et ce ne sont pas des RH qui s’en sont occupés, il n’existe pas de DRH mais une "cellule recrutement", composée de membres du conseil d’administration toujours en action sur le terrain qui dégagent du temps pour cette mission stratégique de l'entreprise qui prend la forme de projets transverses.
J’ai été étonné par l’absence de télétravail, on peut le demander ponctuellement parce qu’on a un rdv en plein milieu d’une après-midi et c’est géré au cas par cas avec bon sens, mais dans l’ensemble, le télétravail est proscrit du fonctionnement.
C’est la deuxième entreprise que je visite dont les métiers sont pour la plupart extrêmement bien adaptés au télétravail, et qui, par envie de créer une culture forte sur site ne le met pas en place, c’était la même chose chez Mentimeter en Suède.
Côté management, Philippe assume l’idée que le rôle du manager est de donner un cadre, qu’une grande partie des équipes attendent du manager qu’il leur dise quoi faire. Ce rôle semble ressembler à celui d’un chef de projet, en parallèle, la partie accompagnement individuel est séparée dans un rôle de référent, que le salarié peut choisir à sa guise et librement dans l’entreprise, qui est une oreille attentive pour accompagner dans l’évolution et le parcours.
Une question me taraudait pendant tout notre échange, quand on paye si bien, qu’on offre de superbes conditions de travail, j’observe partout que ce qui était au départ un cadeau devient rapidement la norme. Il peut y avoir un phénomène d’embourgeoisement, on oublie la singularité de la bonne pratique et on part du principe que ça devient un dû.
Philippe me disait que ce n’était pas trop un souci, on retrouve seulement parfois ce sentiment chez les plus jeunes qui ont été recrutés à la sortie des études et qui n’ont connu que Proginov comme expérience, ils n’ont pas de recul pour percevoir le côté inédit de leur situation.
J’aurais aimé passer encore plus de temps sur place, rencontrer encore plus d’équipes, il faudra revenir ! J’ai quand même eu le droit à la visite de mon premier data-center.
J’ai trouvé le modèle formidable, parce qu’il ne cherche pas à briller, les bonnes pratiques prennent racine dans la vision de la direction partagée avec les salariés actionnaires, pas dans une course au client ou une course au talent. Tout n’est pas duplicable partout, l’entreprise assume une culture singulière qui ne plairait pas à tous mais qui semble fonctionner pour ceux qui la vivent au quotidien.
Alors forcément, on pourrait se dire que ça ne fonctionne que parce que l'activité est rentable mais ce serait rater l’essentiel. Certes on ne peut pas rémunérer tout le monde à +100k€ quand l’activité peine à tourner, en revanche on peut appliquer la même philosophie dans des proportions moindres : mettre en place la transparence totale, réduire les écarts de salaires, engager ses collaborateurs à travers l’actionnariat salarié, c’est accessible à tous !
J’observe d’ailleurs de plus en plus d’entreprises qui ne sont pas constituées en Scop mais dont le fonctionnement s’en rapproche énormément.
News 🔥
Cette visite à Nantes était seulement il y a quelques jours, et j’ai pourtant l'impression que c’était il y a une éternité tant il s’en est passé depuis ! Les journées filent et on pourrait croire qu’elles se ressemblent, mais ce n’est pas le cas. J’ai passé ces quinze derniers jours dans des trains à sillonner la France, avec au programme tous les soirs, des séances de projection de notre nouveau film Skills: make it work suivies de conférences-débats !
Si on passe le côté relou de devoir sauter dans un train tous les matins et manger un mauvais sandwich (je suis dur, il y a eu des trajets magnifiques et aucun retard), une fois sur place c’était l’éclate !
Déjà on ne s’habitue pas à toutes ces salles pleines, et puis le documentaire est tellement dense qu’il nous amène sur des discussions différentes à chaque fois.
Un immense merci pour cet accueil, pour tous vos retours, et je ne vous cache pas que toutes ces conversations commencent à me donner des idées pour de prochains volumes !
Il reste des places pour nous rejoindre cette semaine à sur la tournée ANDRH & APEC à Reims et Metz et dans les semaines à venir à Montpellier, Rouen, Bordeaux et Lorient ! Toutes les dates de cette tournée sont à retrouver par ici.
Et avec toute l’équipe du film, on repasse une dernière fois à Paris pour une projection publique, ça se passe le jeudi 15 mai, la salle est quasi pleine, c’est le moment de prendre votre place si vous ne l’avez pas encore vu, sur grand écran c’est toujours plus sympa que dans son canapé !
Et en parallèle, les projections en entreprises démarrent fort avec + 40 sessions programmées jusqu’à septembre déjà, dans plein de secteurs ! Pour organiser une projection et/ou une intervention ensemble, tous les formats et le lien pour m’écrire sont par ici.
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Corner WIP
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Visionnez les 5 documentaires, dispos en ligne et à regarder sans modération !
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
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Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
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