Il y a exactement 1 an, le 9 novembre 2019, j’envoyais la première édition de ce billet du futur. Depuis, des sections ont disparu, d’autres sont apparues mais mon plaisir dans l’écriture des billets est resté inchangé, alors je crois bien que l’on repart pour au moins un an ! Que vous soyez-là depuis le début ou que vous ayez rejoint l’aventure récemment : merci pour votre confiance et bon anniversaire 🎂 !
A plusieurs reprises cette année je me suis dit qu’il fallait que je mette le paquet sur l’acquisition de lecteurs pour la newsletter, que je crée des lead magnets (ces PDF, webinars ou autres récompenses que les créateurs promettent en échange d’un abonnement). En réalité, je suis bien content de ne pas l’avoir fait et de rester fidèle à la ligne de conduite “qualité > quantité” parce qu’au moment du bilan, il y a une statistique qui me plaît bien. En moyenne sur les 31 éditions précédentes, le taux de clic est de 19%, c’est énorme ! Avec une pointe enregistrée en avril à 34% ! Et puis dans les heures qui suivent l’envoi de chaque édition, je reçois une dizaine de réponses par mail et les conversations durent parfois toute la semaine, j’adore.
Dans l’édition du jour, on parle d’influence ! Dans le cadre du documentaire Work in Progress, j’ai interviewé Ugo Marchand, l’un des YouTubeurs du collectif Lolywood qui fait des vidéos depuis une quinzaine d’années. C’est toujours étonnant comme moment parce qu’après des années à voir une personne à travers un écran on a l’impression de la connaître comme un proche alors que la relation n’existe que dans un sens. Cette rencontre m’a donné l’occasion de réfléchir à la notion d’influence, au rapport que l’on entretient avec les personnalités publiques et les implications de l’influence en entreprises.
Si l’influence ne vous intéresse pas et que vous n’êtes là que pour suivre les nouvelles de Work in Progress, rendez-vous en fin de billet, je vous fais visiter le tout nouveau site du documentaire !
Bonne lecture,
Sam
Les réseaux sociaux nous amènent à repenser notre rapport à l’influence
En 2016 j’avais cofondé la marque ESKIV, du streetwear ski-montagne et la plupart de nos ventes venaient d’Instagram. Je faisais appel à des sportifs de haut niveau qui étaient suivis par quelques milliers de personnes sur les réseaux, plutôt des micro-influenceurs (entre 5k et 50k). Mais je recevais aussi dans ma boîte mail des propositions d’agents d’influenceurs pour faire des opérations avec l’un de nos produits. Pour le coup c’était des personnes suivies par plusieurs millions d’abonnés. Un jour l’agent d’une influenceuse suivie par +2m de personnes sur Instagram me propose 8000€ en échange d’une story de 10 secondes en portant l’un de nos pulls.
A première vue je rigole, je trouve ça hallucinant et je me dis qu’avec le nombre de stories qu’elle poste par jour elle doit être assise sur un beau paquet d’argent. Mais après un rapide calcul je réalise qu’il suffit de vendre autour de 250 sweats pour rentabiliser l’opération et que ça ne correspond qu’à 0.0125% de ses abonnés. Aujourd’hui on dispose d’outils qui permettent de mesurer d’engagement d’un compte en particulier et de guider les décisions en fonction du retour sur investissement attendu sur chaque opération.
Je ne vais pas rentrer dans les détails du marketing d’influence dont l’efficacité n’est plus à prouver lorsqu’il est bien réalisé. Ce que je veux en retenir c’est qu’une personne qui a bien su se mettre en scène et construire une communauté autour de son quotidien partagé sur les réseaux peut facturer 8000€ pour une story de 10s sur Instagram. Et ce n’est rien du tout comparé à ce que facturent les profils les plus suivis dont les abonnés se comptent en centaines de millions d’abonnés.
Avant l’essor des réseaux sociaux, c’est à dire avant la dernière décennie, l’influence était un terme peu utilisé. L’influence était réservée aux personnalités publiques reconnues pour leurs performances dans un domaine précis et dont la notoriété était due à une instance traditionnelle : de grands sportifs, des comédiens talentueux, des artistes. Or aujourd’hui, n’importe qui peut devenir influenceur, les barrières à l’entrée sont tombées et partager son quotidien peut suffire à devenir une personnalité publique !
Attention, il faut un certain talent pour que cela en devienne une activité à temps plein, il faut faire preuve de récurrence dans la publication de nouveaux contenus, trouver son identité et mettre en avant cette image… C’est au moins autant de travail que de faire le marketing d’un produit.
Chaque réseau social a ses codes et ses influenceurs qui ne sont pas nécessairement les plus renommés sur toutes les plateformes. De Tik Tok à LinkedIn, les influenceurs sont partout !
Une nouvelle catégorie d’influenceurs
Une nouvelle catégorie d’influenceurs semble voir le jour depuis quelques mois, on pourrait les appeler les influenceurs intellos, les influenceurs mentors ou les leaders d’opinion. Il s’agit de professionnels qui partagent leurs expertises, leurs compétences, leurs visions sur des sujets de société ou d’actualité, ou encore leur quotidien professionnel. Qu’ils soient investisseurs, designers, consultants, développeurs… ils sont toujours plus nombreux à prendre la parole à travers un podcast, une newsletter, des posts sur les réseaux sociaux, un blog, ou des vidéos sur YouTube, tous les formats sont permis !
C’est un mouvement formidable puisqu’il permet à l’audience d’apprendre de la part d’un professionnel qui partage souvent de façon ludique ses compétences. Au même moment ce professionnel se construit une image qui peut lui être utile dans sa carrière afin de prouver sa légitimité et de plus en plus de monétiser cette audience de la même façon qu’un influenceur lifestyle le ferait sur Instagram, en présentant un produit ou un service qui correspond à sa cible. Sponsoring, affiliation, display… les façons de monétiser le temps d’attention de son audience ne manquent pas. Et côté annonceur, lorsque l’opération est construite intelligemment avec le bon créateur de contenu pour la bonne cible, le ROI (Retour sur Investissement) peut être hallucinant !
En outre, il s’agit d’un véritable atout pour son entreprise qui bénéficie de sa visibilité. Je ne compte plus le nombre de boîtes dont j’ai été faire un tour sur le site web après avoir écouté ou lu l’un de ses employés (souvent le fondateur). Désormais, la meilleure stratégie de marque employeur est d’utiliser la visibilité de ses salariés sur les réseaux sociaux afin de mettre en avant la réalité de l’entreprise. Les salariés deviennent les meilleurs ambassadeurs de l’entreprise ou à l’inverse les pires critiques !
L’engagement des collaborateurs dans la communication est un formidable levier pour l’entreprise mais ne doit pas devenir une obligation. Ces prises de paroles doivent relever du choix délibéré des individus et non d’une injonction de la part du service com pour améliorer l’image de l’entreprise ou ses ventes. Ce n’est pas seulement l’image de l’entreprise qui est en jeu mais la crédibilité de la personne qui communique son ressenti et une communication fausse sera de toute façon rapidement relevée.
L’influence et l’argent
Cette récente démocratisation de l’influence avec les réseaux sociaux et nouveaux outils pousse à s’interroger sur la relation que nous entretenons avec les personnalités publiques et la façon dont ces dernières gagnent de l’argent à partir de leur notoriété.
Dans le cas de figure où l’influenceur fait payer une marque pour parler de son produit ou service à sa communauté, dès lors que c’est clairement annoncé et que l’opération est cohérente avec la cible, c’est génial. D’un point de vue financier l’influenceur et la marque s’y retrouvent et l’audience peut découvrir un produit/service qui lui sera certainement utile. Selon 89% de professionnels du marketing, le ROI du marketing d'influence est supérieur ou égal à celui d'autres stratégies marketing. Évidemment il y a un tas de dérives possibles : l’influenceur dont l’audience aurait été trafiquée et il s’agirait de “faux followers” et l’engagement ne serait pas réel. Ces stratégies très présentes sur Instagram sont aussi arrivées sur LinkedIn avec le principe des pods. ll y a aussi le risque pour l’influenceur d’être tenté de trop faire la promotion de produits au détriment de contenus non promotionnels, certains deviennent des affiches publicitaires.
Une autre solution pour monétiser son audience : proposer du contenu supplémentaire et exclusif, en échange d’un petit montant. C’est tout le business model de Substack dont les auteurs peuvent activer l’option payante et ne produire du contenu que pour une petite partie de l’audience, qui paye. Un formidable exemple est la newsletter de Yoann, Snowball, qui a très largement réussi son lancement et partage ses chiffres clés. Sur des sujets souvent moins intellectuels et plus érotiques, la plateforme Onlyfans cartonne avec +25m d’utilisateurs et se définit elle-même comme “un service d’abonnement qui permet aux créateurs de contenus de monétiser leur influence”.
Une autre logique dans la monétisation de son audience existe et avec laquelle je suis moins à l’aise, il s’agit du principe de don. Afin de financer son activité, le créateur demande à son audience de lui faire des dons dont les montants sont plus ou moins libres ou imposés en fonction des plateformes. Tipeee s’est positionnée sur ce modèle-là mais Twitch (live streaming) est certainement celle qui a le plus banalisé le don. Cet été, un enfant a utilisé la carte de sa mère afin de faire près de 20.000$ de dons à ses streamers préférés. Dans la mesure où le streamer n’a pas de contenu complémentaire à offrir aux donneurs, je suis assez mal à l’aise avec le fait de jouer sur le lien affectif que l’audience entretient avec le créateur pour leur demander de l’argent. Il faut souligner en revanche que pour certaines occasions, les streamers utilisent ce lien à très bon escient. Mi-octobre avec ZEvent, les plus grands streamers français ont récolté plus de 5.7 millions d’euros de dons à destination d’Amnesty International en seulement 3 jours avec des chiffres d’audiences hallucinants !
Peu importe la monétisation des abonnés, la notion d’influence invite à s’interroger sur la relation que le créateur entretient avec son audience. La démarche de création de contenu et d’une proximité avec l’audience à travers des échanges réguliers est-elle sincère ou existe-t-elle uniquement afin de générer de l’engagement qui sera rapidement traduit en argent. En d’autres termes, à quel moment la Passion Economy perd sa passion ?
Aiguisez votre regard sur le sujet 👀
Un bon article dans Capital qui donne plusieurs exemples d’entreprises ayant eu recours à l’influence de leurs salariés pour piloter la marque employeur.
Une interview assez inédite de la créatrice de contenu pour adultes Aella qui s’est hissée dans le top 0.08% des créateurs sur OnlyFans. Elle partage son expérience à Li Jin et Nathan Baschez pour Means of Creations.
L’étude annuelle de Reech (2020) sur le profil des influenceurs et des opérations.
Le site Hypeauditor qui permet de connaître l’engagement d’un compte sur différents réseaux sociaux, et donc de vérifier la crédibilité d’un influenceur.
La toute récente startup Stir qui ambitionne d’être la tour de contrôle des créateurs de contenus. A mon avis, on n’a pas fini d’en entendre parler de celle-ci.
News 🔥
Sur la chaîne YouTube de Work in Progress, nous avons publié l’interview de Charles Thomas, CEO de comet. Une vraie masterclass sur la culture d’entreprise (et pas seulement) que je vous invite vivement à découvrir !
Dernièrement, j’ai adoré ce Tweet de Chris Herd (remote work) et dévoré cet article de Nicolas Colin (new social contract for the gig economy). Et si vous avez besoin d’inspiration sur le télétravail, Welcome To The Jungle a rassemblé ses meilleurs contenus de l’année sur le sujet sur cette page.
J’avais passé le premier confinement chez mes parents dans la campagne lyonnaise, ce coup-ci je suis dans mon appartement à Lyon avec quelques déplacements de prévus pour Work in Progress. Autant en mars j’avais été un peu assommé et parfois triste d’être enfermé chez moi, autant pour cette deuxième expérience j’ai l’impression d’avoir intégré que l’incertitude sera notre mode de vie des prochains mois et je me suis adapté. Espérons que l’état d’esprit perdure !
J’ai mis en ligne le site de Work in Progress ! Vous pouvez dès maintenant lire notre manifeste, (re)découvrir les speakers déjà révélés, visiter nos coulisses, regarder nos hors-séries et découvrir nos partenaires. (🇫🇷 et 🇬🇧)
Documentaire 🎥
Je suis rentré hier de Berlin où nous avons tourné avec Joriam de la communauté Enspiral. C’est très difficile de décrire ce qu’ils “font” ou “sont”, eux-mêmes n’ont pas une définition précise de leurs activités. Joriam a utilisé le terme de “Family-Business” qui semble bien correspondre à ces dizaines d’individus géniaux et aux parcours complètement différents se réunissant sous le slogan “More people working on stuff that matters.” J’ai été bluffé par l’authenticité et la positivité du discours de Joriam ! A découvrir début 2021 !
Et nous avons eu la chance de passer la journée à Factory Berlin qui nous a accueilli pour enregistrer l’interview. Un lieu et un écosystème tout bonnement hallucinants où se côtoient les salariés des plus belles boîtes tech, des étudiants, des artistes … Si vous passez dans la capitale allemande, ça vaut le détour ! Si vous suivez Work in Progress sur Instagram, vous avez pu en avoir un avant-goût.
Il nous reste encore deux tournages et nous démarrons en parallèle cette semaine la post-production, c’est génial de revoir les interviews, certaines enregistrées il y a plusieurs mois déjà. Le but dans un premier temps est de sélectionner les passages clés et construire une réflexion cohérente par rapport à notre fil rouge à partir de tous les témoignages recueillis. Au boulot !
Work in Progress est un documentaire soutenu par SThree, Randstad, Le MAIF Start up Club, Natixis, comet et LittleBig Connection.
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Bonne journée ! 🌞