Danemark : former pour la transition verte
Billet du futur #116 : Reskilling, upskilling, les stratégies du Danemark pour rendre la transition verte attractive.
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
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Bonne lecture,
Sam
Un peu de contexte
Quand j’ai commencé à m’intéresser au déploiement à l’échelle d’une bonne idée, je suis rapidement tombé sur les contenus de State of Green.
La bonne idée en question : réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Et comme on avait en tête pour ce documentaire de prendre des exemples de transformation sur des sujets de société, ça m’a tout de suite interpellé.
The State of Green est une agence lancée par le gouvernement danois pour piloter la transition verte dans le cadre d’un partenariat public privé qui rassemble : l'État, les entreprises et les syndicats.
Comme beaucoup de pays après la COP21, le Danemark s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Sauf qu’à la différence de beaucoup de pays, le Danemark a fixé des objectifs ambitieux et tient ses engagements.
L’objectif était de réduire de 70% les émissions de gaz à effet de serre par rapport au pic des années 90 à horizon 2030. Aujourd’hui, ils ont déjà réduit leurs émissions de +55% et les projections annoncent 68% de réduction à échéance.
Les chiffres, c’est bien beau, mais dans la réalité, comment on fait ?
Piloter une politique ambitieuse de réductions des émissions de gaz à effet de serre signifie qu’il y aura des pivots de business model, que de nouvelles régulations vont affecter tous les secteurs, et qu’il faut recueillir l'adhésion d’une majorité de personnes pour atteindre les objectifs.
Et ce n’est jamais évident d’aller annoncer à des entreprises qu’elles vont devoir arrêter ce qu’elles font depuis des années et créer de nouvelles activités, ou faire comprendre à un individu que son métier va disparaître et qu’il va devoir en apprendre un nouveau.
Alors comment rendre la transition verte attractive ?
On a passé une petite semaine au Danemark pour le comprendre, avec les représentants du gouvernement, les syndicats, les entreprises et les travailleurs !
RENTABILITÉ
La première bonne pratique consiste à rendre profitable cette transition verte. Parce que je ne vous apprends rien : c’est toujours l’argent qui guide ce monde. Et aussi étonnant que ce soit, on ne recueille pas l'adhésion à l’échelle sur la transition verte en faisant miroiter des villes vivables pour les prochaines décennies.
Pour rendre la transition verte profitable aux yeux des entreprises, il faut en passer par des incitations financières : subventions, taxes, crédit d’impôt, investissements dans des infrastructures… un mix qui favorise toutes les initiatives des entreprises qui permettent de converger vers les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Concrètement, dans chaque secteur, ils travaillent à faire en sorte que dès qu’un choix se présente à eux, l’alternative green soit moins chère ou au même prix que l’alternative polluante.
Prenons le secteur maritime, 30 à 50% des coûts d’opération d’un navire sont liés au carburant. Or les fuel verts coûtent 3 à 4x plus chers que les fuel traditionnels. Un armateur n'opte jamais pour du fuel green si celui-ci est plus cher que le pétrole habituel. Il ne fait s’il y est incité financièrement ou qu’il est contraint.
RÉGULÉE
Et pour accompagner ces mécanismes financiers, il faut de nouvelles réglementations car l’enjeu c’est que tout le monde bouge en même temps.
La régulation a donc commencé à l’échelle nationale mais les entreprises danoises poussent pour qu’il en soit de même au niveau européen et mondial afin qu’elles ne perdent pas en attractivité.
FORMER
Si les entreprises sont embarquées, il faut ensuite recueillir l'adhésion des individus.
Le Danemark l’a fait en présentant les compétences des métiers de demain comme des commodities à acquérir pour être toujours employable à l’avenir. Ils ont su montrer l'intérêt individuel que chacun avait à se former continuellement, à apprendre de nouvelles compétences pour exercer un nouveau métier.
Et pour cela, ils se sont appuyés sur les entreprises et les syndicats dont un des premiers rôles a été d’informer. Tout le monde n’a pas en tête les enjeux de transformation et n’anticipe pas la façon dont son métier va évoluer. Le rôle de l’employeur et des syndicats devient alors d’informer et de guider dans ces plans de formation.
Il est aussi intéressant de noter la relation constructive entre les syndicats et les entreprises, toutes les entreprises rencontrées nous ont souligné le rôle majeur des syndicats pour parvenir à des accords efficaces. Et avant de légiférer, le gouvernement a demandé aux syndicats et aux entreprises de se mettre à la même table pour formuler des recommandations afin d’atteindre les objectifs de réductions des émissions de GES tout en maintenant la compétitivité et les emplois. Et à partir de ces recommandations, ils ont légiféré, pas l’inverse !
Un exemple concret : le Port d’Esbjerg
Après Copenhague, nous avons filé à l’ouest, sur la côte, au port d'Esbjerg. Il nous a été présenté par The State of Green comme l’une des meilleures success story de ce partenariat public-privé.
Le port d’Esbjerg était un port de pêche et jusque dans les années 70, plus de 600 bateaux étaient amarrés au port. Puis il est devenu le premier port danois pour les hydrocarbures, point de départ et d’arrivée de plateformes d’extraction pétrolières. Et puis dans les années 2000, les premières éoliennes en mer sont apparues, remplaçant peu à peu l’activité pétrolière du port. Donc les pivots de business model, ils connaissent ! Et pour vous donner une idée de la taille, le port compte 8000 salariés et environ 200 entreprises.
Dans le cadre du partenariat public-privé, il est devenu le port principal pour les énergies renouvelables au Danemark. Aujourd'hui, plus de 80 % de la capacité éolienne offshore installée en Europe a été expédiée depuis le port d'Esbjerg.
Et vous vous en doutez, pour parvenir à un tel pivot de business model, il a fallu former des milliers de personnes pour apprendre de nouvelles compétences et les orienter sur de nouvelles carrières.
Pour certains, le travail dans le secteur des hydrocarbures consiste à aller passer plusieurs semaines au large, sur des plateformes pétrolières. Et lorsqu’il faut apprendre de nouvelles compétences, ils profitent des moments sur la terre ferme pour suivre des formations. Pour d’autres qui travaillent au port et rentrent chez eux le soir, les formations s'étalent sur des périodes plus longues à raison de quelques jours par semaine. Quoi qu’il en soit, les employeurs ont dégagé du temps de travail sur les “anciens métiers” pour former leurs collaborateurs aux “nouveaux métiers” sur des périodes plus ou moins longues en fonction du degré d’éloignement des compétences. Les centres de formation ont été créés spécifiquement au port.
Pour d’autres, les compétences étaient directement transférables d’un secteur à l’autre et il n’y a pas eu besoin de formation. Des conducteurs d’engins au port nous ont confié que le métier changeait très peu :
“que je soulève des morceaux de plateforme pétrolière ou des pales d’éoliennes, ça ne change pas grande chose, je sais juste qu’il y a une activité où j’en ai pour 20 ans de travail devant moi, alors que pour l’autre ça va s’arrêter.”
Et au-delà de l’installation spectaculaire des éoliennes offshore (ils embarquent le tronc et les pales sur un bateau pour les assembler et les monter en pleine mer), c’est toute une filière qui se lance : dans les usines de fabrication des matériaux, dans la construction pour élargir les routes et les protections, dans la logistique pour stocker et déplacer les éoliennes, dans les bateaux pour transporter et installer les éoliennes, toujours plus grandes… Et à la fin, ce sont des milliers de personnes qui apprennent de nouvelles compétences.
Et c’est ce même procédé dans d’autres secteurs, un des autres exemples phares au Danemark sont les champs d’extractions d’hydrocarbures qui deviennent des zones de stockage de carbone. De loin, on se dit que ça doit pas être bien compliqué : plutôt que de faire un trou pour puiser, on stocke du gaz dans le trou, mais la réalité est bien plus complexe et de nouvelles compétences sont nécessaires pour mettre en place cette filière de CCUS.
La gouvernance
Une des raisons qui fait que le Danemark est pionnier dans la transition verte est peut-être l’implication des grands groupes qui ne rechignent pas à jouer leur rôle, et notamment grâce à un modèle de gouvernance bien particulier, le Steward-Ownership.
Le modèle du Steward-Ownership propose une alternative à la propriété actionnariale en recentrant l'entreprise sur sa mission à long terme plutôt que sur la maximisation de la valeur pour les actionnaires. Il garantit que les valeurs et la mission de l'entreprise restent prioritaires, même si les actionnaires changent. Les droits de vote sont réservés aux "stewards," sélectionnés pour leur capacité à servir la continuité et la mission de l'entreprise, tandis que les droits économiques (dividendes) sont séparés et peuvent être détenus par des investisseurs, fondateurs ou employés.
5 des 10 plus grosses entreprises du Danemark fonctionnent avec ce modèle, dont Carlsberg, Novo Nordisk, ou Maersk.
Merci pour le soutien dans ces explorations aux teams Forvis Mazars | Lucca | Neobrain | EDF| Actual Group | 2050NOW La Maison et la Cité de l’économie et des Métiers de Demain.
Parrain du futur
Ce billet du futur est parrainé par L’agence by La Colloc.
La Colloc c’est deux espaces de coworking en Bretagne (Lorient et La Trinité-sur-Mer), avec des salles de réunion, des bureaux et des événements. Bon jusqu’ici ça n’a rien de bien différent des centaines d’espaces qu’on trouve partout ailleurs.
Sauf que quand on arrive, on nous dit bonjour avec un regard franc, on nous invite au prochain événement, on nous présente un autre coworker qu’on pourrait avoir envie de rencontrer. Ils n'ont pas oublié le “CO” de cowork. C’est une vraie communauté.
Et pour en arriver là, il a fallu travailler le design des espaces, l’aménagement de chaque pièce et la façon d’animer et d’interagir dans ces lieux pour qu’ils soient autant propices aux rencontres qu’au travail. C’est difficile à décrire mais il y a une âme dans ces espaces qu’on ne peut comprendre qu’en passant le pas de la porte. Ça fait des années que j’entends des responsables de lieux se demander comment faire pour créer du lien entre les membres. Et les questions brûlantes en ce moment autour du télétravail et du retour au bureau nous ramènent à ces mêmes sujets : comment faire d’un lieu de travail un lieu de rencontre, comment créer un collectif à partir de personnes qui travaillent au même endroit ?
Après +8 ans à éprouver son modèle dans ses propres espaces, et pour différents clients en Bretagne, La Colloc a lancé son agence !
Elle vous accompagne sur la création et l’animation de lieux de travail et de vie.
En ce moment, la fondatrice réalise des audits gratuits : prenez votre créneau ici.
News 🔥
Après le tourbillon de septembre-octobre où nous avons enchaîné 80% des tournages, et une vingtaine d’interventions, je reviens à une période un peu plus calme.
Et ça tombe bien, il est temps d’attaquer le montage ! Des heures d’interviews à trier, et un sacré travail pour mettre toutes ces scènes dans le bon sens. Je me faisais la réflexion en sortant d’une session de montage, que c’est une des rares tâches pour laquelle j’ai l’impression d’avoir un niveau d’exigence élevé, ce n’est pas facile, je dois me creuser les méninges pour arriver à un bon résultat.
De retour à la maison, j’en profite aussi pour travailler sur les prochaines interventions, la sortie du documentaire et ses projections.
D’ailleurs, en dehors du documentaire, je prépare deux gros événements pour 2025, un premier que vous connaissez bien : la WIP Expedition Night va revenir avec de nouveaux sujets, nouveaux formats et nouveaux invités ! J’ai tellement hâte !
Et puis un deuxième format, tout nouveau, inédit je crois même sur notre secteur RH et qui s’étalera sur plusieurs semaines. On va toucher une audience d’environ 1000 RH en physique et des dizaines (centaines, soyons-fous!) de milliers en ligne. Je cherche encore un ou deux partenaires qui s’adressent aux RH et ont envie de leur apporter de la valeur à cette occasion. Ecrivez-moi si vous vous reconnaissez dans ces lignes.
Et puis les projections et conférences reprennent ! Si vous cherchez à rassembler vos équipes autour d’un temps fort sur le futur du travail, l’engagement, ou l’impact de l’IA sur votre travail, écrivez-moi. Il reste encore un ou deux créneaux en décembre et puis ce sera à partir de février.
En parallèle du prochain documentaire, j’ai eu le plaisir d’écrire un autre documentaire pour 2050NOW La Maison : Beyond Skills, il sort dans les prochains jours, en attendant voici le trailer.
J’ai contribué au dernier article de Welcome to The Jungle sur le télétravail : la fin du télétravail a-t-elle (vraiment) sonné ?
Bon plan pour les lyonnais : Flexjob organise en janvier un hackathon de la transfo. L’opportunité de construire des solutions concrètes à vos problématiques de transformation culturelle. Inscription ici.
Bon plan pour les indés : cette semaine c’est le Grand Prix d’Envi, 5000€ à gagner pour 3 indépendants, toutes les infos par ici.
J’ai un service à vous demander !
Ça fait un moment que je me demande comment centraliser tous les retours sur les documentaires, sur les conférences sans trop savoir où ranger tout ça. Pour le moment ça traîne dans les emails, les mp LinkedIn, de temps en temps des posts, des commentaires…
Alors si vous avez vu les documentaires ou assisté à une conférence et que vous avez aimé (ou pas d’ailleurs), que vous avez envie de partager votre avis, c’est par ici !
Ça vous prend 2 minutes pour laisser un petit message, et c’est la meilleure façon de m’aider à faire connaître les documentaires, BD, expos événements et autres joyeusetées de Work in Progress. Et quand je me prends des vents j’irai lire ça pour regonfler la confiance.
Mille mercis ❤️
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
1 recommandation : Je t’envoie un épisode de podcast privé de 15’ dans lequel je te partage quelques convictions sur le travail.
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Visionnez mon quatrième documentaire, AI at Work: who runs the office? (2024)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Passionnant comme toujours ! Le modèle de Stewart Ownership est tellement précurseur pour inciter les entreprises à se concentrer sur le long terme 👌