Maladie au travail - être un bon allié
Billet du futur #89 : Sourire à la vie - Working with cancer | Nouveau projet, vous embarquez ?
Bonjour à toutes et à tous,
J’espère que vous êtes en pleine forme, aujourd’hui j’avais envie d’aborder un sujet qui n’a rien de drôle, mais qui, si vous allez au bout de la newsletter devrait tout de même vous donner plein d’énergie !
Pour une fois, on ne va pas parler de Future of Work, mais plutôt de la place qu’occupe le travail dans nos vies, notamment dans les moments les plus difficiles.
Bonne lecture,
Sam
Il y a quelques mois, Laure, ma petite sœur a été diagnostiquée d’un cancer. Elle a depuis été soignée et est déclarée en rémission. Elle commence à prendre la parole sur cette expérience, notamment sur le rôle essentiel qu’a joué son travail durant ses traitements.
Loin de moi l’idée de vouloir généraliser son approche, chacun réagit différemment à une expérience si bouleversante, tant mentalement que physiquement. Certains seront contents de complètement se détacher d’un travail qu’ils aimaient ou n’aimaient pas car l’activité n’a plus grande importance et se vide de sens face à la maladie. La réalité est qu’il n’y a pas de bonne façon d'aborder la chose, le rapport au travail et à la maladie sont hautement personnels. Je souhaite seulement, à travers ce billet, proposer des clés pour comprendre le comportement à adopter en présence d’un collègue touché par la maladie. Et peut-être également, à travers ce témoignage, et sans vivre la maladie, en tirer quelques leçons sur notre rapport au travail.
Pour ce format, j’ai choisi de vous partager à la fois une interview de Laure, et des extraits d’un texte qu’elle a écrit un an plus tard.
“Yes I have cancer and Yes I will attend the next meeting!”
This is the sentence I was repeating all over again 1 year ago.
On April 1st 2022, I boarded full speed on the craziest ride of my life – the cancer ride.
I was 23 years old, 2 years working full time and this bad April Fool’s joke was not going to stop me much.
My cancer journey began on a snowy Thursday morning. I exited the radiologist office, with the news that I had several cancerous lymph nodes (cells) around my neck and chest. Lots of appointments and one surgery later, I got my treatment plan to beat a Hodgkin Lymphoma.”
Le rapport au travail pendant les traitements
Pour Laure, l’annonce de la maladie a d’abord résonné comme la fin du travail. Elle s’imaginait clouée au lit pendant de longs mois, forcée à s’arrêter complètement. Rapidement, en parlant aux médecins et en se projetant dans les traitements à venir, elle a compris qu’elle aurait la possibilité de continuer à travailler, à mi-temps.
Son entreprise, Nike, a proposé de prendre en charge pendant deux ans d’arrêt sa rémunération pour compléter ce qui était déjà versé par la sécu. L’argent n’était donc pas un critère de décision dans la continuité ou l’arrêt du travail. Ses collègues l’ont tous incitée à s’arrêter, à prendre du temps pour elle et se reposer, mais c’était de tout l’inverse dont elle avait envie !
Ainsi, pendant les mois de traitements, Laure a choisi d’opter pour un fonctionnement à 60%, globalement une semaine sur deux, entre les chimios. Pendant cette période, ses collègues ont pris en charge certaines tâches qu’elle n’avait plus le temps de gérer.
Continuer à travailler lui donnait la possibilité de penser à autre chose qu’à la maladie, le travail est une des rares activités qui lui permettait de garder un pied dans la “vraie vie”, et un lien social avec ses collègues pour ne pas avoir uniquement des discussions autour du cancer.
Un jour, dans la même journée, Laure attendait le résultat d’un important examen le matin, et avait l’après-midi rendez-vous avec le CEO EMEA de Nike. Elle s’est rendu compte qu’elle stressait bien plus pour cet entretien que pour ses résultats. Et en même temps, le cancer mettait aussi en perspective la futilité du stress pour son entretien.
Durant cette période stressante, il est arrivé qu’elle pleure devant son manager, qu’elle partage ouvertement ses émotions pour expliquer sa productivité au travail, et Laure ne tari pas de louanges à l’égard de son manager et de son équipe lors de cette période si particulière.
You might think that the last thing you want to do during cancer treatment is to continue working, but conversely it helped me keep a foot in the normal life. With the unconditional support from my team, I went on working in between medical appointments and wig shopping sessions.
Treatment plan in hand, four months of chemotherapy and one month of protontherapy, I organized the next months of my life, deciding to work full time six weekdays every 2 weeks. It was both the time to cure myself but also to continue my normal life with friends, family, work, just without hair and immunity.
Every day, I received a heartwarming support.
Some people made a fundraiser for cancer research as they ran the Copenhagen marathon.
Some people took me on weekends to escape the cancer reality.
Some people sent me flowers and letters or called me everyday.
Some people held my hand during chemo and fed me afterwards when I couldn’t even talk or move.
Some people checked in on me in between every meeting every week. Everything counted.
While fighting cancer and losing my hair, I carried on with my daily work as a Sales/ Planning Analyst. It is bald that I showed up to every of my meetings, bald that I hit work milestones, bald that I started my manager journey. Having the necessary support to continue working and having a quasi-normal life outside of my treatment helped me to feel normal and eased the process significantly.
La reprise du travail
Après 6 mois de traitements, Laure était ravie de rentrer à Amsterdam et de vivre à nouveau des journées normales : sans rendez-vous médicaux, sans traitements, mais toujours avec une pointe de stress. L’après cancer est mentalement plus challengeant que les traitements : après avoir reçu énormément d’attention et de soins pendant des semaines, son entourage commençait à agir de nouveau comme si tout était terminé et que la vie reprenait son cours.
Si ses collègues directs ont souvent eu le bon comportement, les gens avec qui elle travaillait occasionnellement ne savaient pas comment agir : ils ne lui ont pas demandé pourquoi elle était désormais chauve, sans sourcils, ni comment elle allait, et d’autres n’étaient pas au courant et ne l’ont appris que des mois plus tard quand elle a commencé à en témoigner sur ses réseaux sociaux.
Laure attribue cette attitude à l’environnement multiculturel dans lequel elle évolue et où chacun n’entretient pas le même rapport à la maladie. Pour ma part, je me reconnais bien dans cette attitude avec une pudeur mal placée qui m’a déjà poussé à ne pas poser de question, et ce faisant, à ne pas porter d’attention…
Difficile de savoir comment se positionner par rapport à la maladie, d’un côté Laure avait envie que cette expérience si particulière soit prise en compte par les gens qu’elle croisait, mais d’un autre, elle n’avait pas envie de passer ses journées à répéter son histoire ni à paraître limitée.
Se comporter en présence de malades, quelles bonnes pratiques ?
Toutes les maladies n’étant pas vécues de la même façon, il est difficile d’établir des recommandations générales. Laure aurait aimé que son directeur prenne l’initiative d’écrire à l’ensemble des personnes avec qui elle travaille chez Nike pour dire :
“Laure est malade, voici son traitement, voici sa condition actuelle, voici les moments auxquels elle continuera à travailler et où vous pouvez continuer à la contacter.”
“Envoyez-lui du soutien et parlez-en avec elle, ne faites pas comme si de rien n’était”.
Pour elle, le mieux est que la personne malade et son manager définissent ensemble la communication à adopter vis-à-vis de la maladie, les préférences de la personne et que celle-ci soit communiquée et respectée par l’ensemble des personnes croisées.
Enfin, Laure juge qu’il faut également que les entreprises facilitent le maintien de l’activité à temps partiel si le salarié le souhaite. Et qu’elles encouragent les anciens malades à prendre la parole pour libérer le tabou sur leur expérience.
This past year has been the hardest, scariest and most painful of my life but has at the same time been the most beautiful, as I (and surely my relatives) became truly aware of the value and uniqueness of life. I was declared cancer free on November the 10th and have only now a life to enjoy.
The ride is getting smoother.
Working with cancer
Working with cancer est une initiative qui vise à supprimer les tabous autour du cancer en entreprise pour que malades et collègues aient tous les outils pour allier soins et travail. Elle a été lancée par la fondation Publicis et plusieurs grandes entreprises ont rejoint le mouvement. Concrètement, l’objectif est d’inciter un maximum d’entreprises à adopter des mesures permettant le maintien du salaire durant les traitements, et de mettre en place des programmes d’accompagnement aux malades et aux salariés aidants.
Aujourd’hui, Laure vit sa meilleure vie à Amsterdam et témoigne de son expérience.
Si en tant que malade, proche aidant ou tout simplement collègue curieux vous souhaitez échanger avec elle, vous pouvez la contacter sur LinkedIn ou Instagram. (Bien qu’elle fasse beaucoup d’anglicisme et interrompt régulièrement ses phrases par des “comment dit-on butter (or any random word) in French”, elle parle bien français !
News 🔥
Les projections s’enchaînent au rythme des séminaires de fin d’année et des AG qui sont autant d’occasions de s’interroger collectivement sur notre rapport au travail. En ce moment je passe mes journées dans des trains (cette NL est écrite depuis un Strasbourg-Lyon) et mes soirées sous les projecteurs. J’adore, c’est pour ces moments-là qu’on fait des documentaires !
Mention spéciale pour la Sagamm, 2h de discussions passionnantes aux côtés d’agents généraux et Nicolas Bouzou.
Par ici pour organiser une projection ensemble dès la rentrée.
J’ai choisi le nouveau sujet de Work in Progress : l’impact de l’IA sur la gestion des compétences ! La réflexion prendra la forme d’une docusérie !
Au choix : l’IA fait peur ou fait rêver. On agite le spectre de la fin du travail, l’ère du chômage de masse à coup de “X % des métiers vont disparaître dans 10 ans.” La vérité, c’est que pour le moment on n’en sait rien, c’est beaucoup plus complexe, ce n’est pas parce qu’une techno existe qu’elle est adoptée largement.
Pour le moment la plupart des contenus sur l’IA se concentrent sur les implications business, sur les nouveaux services…
Mais un sujet qui n’est pas encore bien documenté va devenir clé dans quelques mois :
Quel est l’impact de l’IA sur la gestion des compétences ? Comment piloter un plan de recrutement ? Comment mener une stratégie de formation ? Comment donner une culture data / IA à toute mon entreprise ? Comment anticiper la transformation des métiers ?
La vraie question ce n’est pas “est-ce que mon job va être remplacé”, mais “comment va-t-il se transformer ?” et “à quelle vitesse ?”
Pour l’instant nous avons beaucoup de prédictions d’économistes sur le sujet, mais très peu de cas concrets d’entreprises ayant commencé à se saisir du sujet. Ce sont ces pionniers que nous allons rencontrer.
A mes côtés, j’embarque des entreprises désireuses de prendre de l’avance : de nourrir leurs réflexions et transformations, d’animer les communautés et commencer à prendre la parole sur le sujet. Il reste 1 place, si vous voulez être de l’aventure c’est le moment de m’écrire !
Et je termine sur une invitation : le 29 juin 18h30 à Paris, je partagerai et commenterai des extraits des trois documentaires Work in Progress à l’initiative de la team Beager. La soirée est gratuite, si vous souhaitez y participer, écrivez-moi. :)
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022), la suite arrive !!
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Très intéressant les rapports humains entre la maladie et l’attitude au travail. Délicatesse et pudeur imposées.