Manager en période de troubles : dépasser les clivages de la polarisation
Billet du futur #117 : Réhabiliter l’entreprise comme un lieu d’engagement
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Réserver un appel ensemble
Lire la BD “Mais pourquoi j’irais travailler ?” 📖
Bonne lecture,
Sam
L’entreprise politique ?
La semaine dernière, j’ai fait un post sur l’actualité de Ben & Jerry’s qui porte plainte contre sa maison-mère Unilever. La marque de glace l’accuse d’avoir censuré son soutien à Gaza et tenté de démanteler son conseil d’administration.
J’avais été frappé par l’indépendance de Ben et Jerry’s pour prendre position sur des sujets de société et des sujets politiques quand on avait été tourner chez eux le documentaire Why do we even work? Et il semble que 25 ans après le rachat, les engagements qui rendaient la marque attractive aux yeux d’Unilever semblent désormais déranger le géant.
Et ces débats sur l’engagement des entreprises sur des sujets sensibles, parfois politiques, m'ont rappelé l’interview il y a quelques jours de Heather E. McGowan pour notre prochain documentaire. Elle nous avait partagé quelques conseils pour gérer le sujet de la polarisation en entreprises, et la posture à adopter en tant que manager.
D’abord un constat : la règle du “on ne parle pas de politique au travail” ne fonctionne pas. Une enquête Gartner d'octobre 2024, aux US juste avant les élections montrait que 47 % des employés évitent leurs collègues en raison de leurs opinions politiques.
A part quelques entreprises qui ont fait le choix de prendre position publiquement pour des idéologies comme Ben & Jerry’s, Patagonia ou d’autres, la plupart tentent de ne fâcher personne et ne se prononcent pas. Mais ce n’est pas pour autant qu’en interne, les discussions n’existent pas sur les sujets sensibles.
Heather recommande de ne pas ignorer les divisions mais plutôt de reconnaître les émotions fortes, surtout en période électorale, et de respecter les croyances personnelles afin que chacun se sente vu, entendu et respecté. Pour elle, c’est la notion de respect qui crée la confiance nécessaire pour retrouver l’action en période de troubles.
Respect → Confiance → Action
Heather m’a introduit aux travaux de Robert Putnam qui a mis en évidence le déclin brutal de l'engagement social et de la participation civique ces dernières décennies. Cette érosion a affaibli ce que Putnam appelle le « bridging capital » - les liens entre des groupes différents - tout en renforçant le « bonding capital » - les liens au sein de groupes similaires - créant ainsi les bases de la polarisation actuelle. En gros, on se rapproche de ceux qui nous ressemblent et on s’éloignent de ceux qui ne nous ressemblent pas.
Et la conséquence de cette polarisation, c’est la solitude, dont la moitié des adultes déclarent souffrir.
Pour certains, les changements actuels en matière de technologie, de démographie, de genre, de normes de travail et d'inégalité économiques semblent menaçants ; pour d'autres, la transition de l'économie industrielle à l'économie numérique les a laissés sur le carreau et nourrit un sentiment d’impuissance face à ces transitions.
Et puis cette polarisation est ensuite amplifiée avec les algorithmes des réseaux sociaux, optimisés pour exploiter les peurs de chacun et créer de l’indignation. Notre sentiment d'appartenance s'amenuise, fini la famille, le voisinage, la paroisse, on se sent de plus en plus seul.
Réhabiliter l’entreprise
Dans ce déclin des institutions communautaires traditionnelles, le lieu de travail peut lui aussi renforcer l'érosion de ce sentiment d’appartenance… Ou bien au contraire venir le nourrir !
Et j’ai la conviction que c’est ce que l’entreprise doit-être : un lieu qui dépasse les clivages idéologiques pour se rassembler autour d’un objectif plus grand que soi, un projet qui nous dépasse, qui nous rassemble et qui nous uni. Une “raison d’être” qui vient combler les fossés qui divisent notre société.
Il est temps de réhabiliter l’entreprise comme le lieu dans lequel on s’engage, où on se retrouve autour de sujets de sociétés, soit parce qu’ils sont directement liés au produit ou au service proposé. Soit parce que l’entreprise met une partie de ses ressources financières, du talent et du temps de ses membres au service des grandes causes de notre siècle.
Et si l’entreprise choisit cette voie là, il faut être capable de s’engager sur plusieurs lignes de front, car tous les membres ne sont pas touchés par les mêmes sujets dans l’organisation, et les grandes causes qui méritent notre engagement ne manquent pas.
Il y a déjà les initiatives faciles à mettre en place, proposées par des prestataires :
Vendredi pour faciliter l’engagement des salariés dans les assos de leur choix. Et c’est un vrai levier d’engagement, voyez comment Alicia chez Mazars parle de son dernier engagement.
Bureau du coeur : pour contribuer à une société dans laquelle plus personne n’est à la rue.
Ecotree : pour lancer des projets de biodiversité et de séquestration de carbone
Et puis toutes celles qui sont mises en place directement au sein de l’organisation avec le bon sens de ses membres. Tout le monde n’a peut-être pas envie de participer à une clean walk ou de faire du mécénat de compétence mais personne n’en voudra pas à son entreprise d’inciter ses membres à y participer.
Et pour ceux qui participeront, le levier d’engagement est énorme parce qu’il permet de reconnaître la contribution d’une personne aux actions de l’entreprise, au-delà de la fiche de poste, c’est la personne toute entière qui s’engage.
Et une fois qu’on a mis en place les initiatives faciles, c’est le moment de s’attaquer aux vrais sujets : quel impact l’entreprise veut-elle avoir ? Quel pivot de business model faut-il mettre en place pour y parvenir ? C’est évidemment très compliqué car ça remet en cause des années d’activité, parfois ça remet même en question les notions d’ambition et de succès ancrées en nous. Si vous ne savez pas par où commencer, l’association CEC peut être un bon point de départ.
C’est la phrase de Kennedy qui a galvanisé toute un pays à travers les générations quand on a été visiter la Lune :
“We choose to go to the moon in this decade and do the other things, not because they are easy, but because they are hard”
Aujourd’hui n’est plus question d'aller sur la lune mais bien d’inventer des modèles d’entreprises qui répondent aux enjeux de notre siècle.
Pourquoi être optimiste ?
Et pour la dernière question de l’interview d’Heather, je lui ai demandé pourquoi nous devrions être optimistes ? Je vous laisse avec sa réponse :
“Il y a plein de raisons d’être pessimistes, mais en une seule vie, nous avons fait plus pour améliorer la condition humaine que dans toute notre histoire. Nous avons sorti une majorité de personnes de l'extrême pauvreté et de l'illettrisme et nous avons presque doublé l'espérance de vie au cours des 100 dernières années. Si nous pouvons faire cela, nous pouvons faire n'importe quoi. Nous devons juste être prêts à faire les choix difficiles, à faire de plus grandes enjambées et à se fixer des objectifs ambitieux. Et puis nous devons valoriser notre responsabilité les uns envers les autres pour les atteindre plutôt que de prioriser nos droits individuels à court terme.”
Si je n’avais qu’une recommandation à vous partager pour poursuivre l’exploration de ces sujets, c’est la newsletter de Clara Delétraz : Ensemble, pour sortir de nos bulles de gens qui se ressemblent et retrouver le goût des autres.
Parrain du futur
Ce billet du futur est parrainé par Swapn.
Dans quelques mois, je fêterai les 5 ans de Work in Progress, et à l’époque, quand j’ai créé la société, j’ai bénéficié d’un “unfair advantage” : mon père est expert comptable.
Alors choisir la forme juridique, rédiger des statuts, et me lancer dans toutes les démarches administratives n’a pas été la partie la plus compliquée.
Mais à moins que vous ayez aussi un comptable sous la main pour vous aider, il n’y a pas de raison de faire ça tout seul.
Swapn s’occupe de la création de votre boîte de A à Z pour vous permettre de vous concentrer sur l’essentiel : avancer sur vos projets.
Et en plus, c'est beaucoup moins cher que ce que vous imaginez...
News 🔥
C’est la forme en ce moment ? J’ai conscience d’être en minorité mais on entre dans ma saison préférée, les premières neiges et bientôt les premières descentes en montagne !
Je suis en plein dans le montage de WIP#5, au moment où il faut faire des choix cruciaux sur la direction qu’on va donner au documentaire, c’est une sacrée gymnastique intellectuelle pour lier les 10 interviews les unes aux autres, et j’adore ça !
La semaine dernière, j’étais au Palais des Festivals de Cannes pour intervenir à la remise des trophées des environnements de travail, c’était sacrément impressionnant de voir cette salle mythique côté coulisses, et l’occasion de creuser les problématiques des responsables environnement de travail, au carrefour de tous les sujets de transformation des entreprises, passionnant !
On se voit ?!
Je passe demain le cap de la 60e intervention de l’année à Nantes avec une projection de AI at Work organisée par l’ANDRH.
Puis rendez-vous jeudi 28 novembre à Paris pour une journée autour de l’impact de l’IA pour les RH.La semaine suivante ce sera à Lille le 2 décembre avec le CJD sur notre rapport au temps de travail.
Puis le lendemain le 3 en Belgique à Namur pour une nouvelle projection de AI at Work.
Les autres interventions programmées sont privées, en entreprise, et je devrais passer tout juste la barre des 70 interventions avant Noël. Et vous voulez que je vous dise un truc ? J’adore ces moments, c’est pour ces projections, pour ces temps d’échanges, ces rencontres que j’ai envie de continuer à faire des documentaires années après années !
Pour programmer un événement ensemble (à partir de février), c’est par ici !
Et j’ai une petite faveur à vous demander, si vous avez aimé les documentaires et les interventions, j’adorerais que vous laissiez un petit commentaire sur cette page. Ça vous prend 2 minutes grand maximum, et c’est ce qui permet de faire connaître ces réflexions plus largement. Et puis ça fait chaud au cœur de toute l’équipe qui travaille sur ces projets tout au long de l’année. Merci beaucoup à ceux qui ont pris le temps de laisser un mot.
Ah et psst ! Les lyonnais, demain soir c’est la projection du premier doc du Collectif Cosme, Comutations. Ça parle d’indépendants, de collectifs et de gouvernance, ça se passe chez Ballad Club, places à choper ici. J’en ai 3 gratuites à offrir, écrivez-moi si ça vous tente, premier arrivé premier servi !
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
1 recommandation : Je t’envoie un épisode de podcast privé de 15’ dans lequel je te partage quelques convictions sur le travail.
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Visionnez mon quatrième documentaire, AI at Work: who runs the office? (2024)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Et puis nous devons valoriser notre responsabilité les uns envers les autres pour les atteindre plutôt que de prioriser nos droits individuels à court terme.”Dans le contexte actuel nos hommes politiques devraient s’en inspirer. Billet interessant. Bravo.