Retraites : réinventer le temps de repos
Billet du futur #80 : De nouvelles façons de penser la retraite, Time to work, Expedition Night sold out et arrivée au pays du soleil levant.
Bonjour à toutes et à tous,
Aujourd’hui je m’aventure sur un sujet doublement sensible, la retraite, et les syndicats. Penser le futur du travail nécessite de penser le futur du repos, or j’ai l’impression qu’en la matière, les syndicats ne tentent malheureusement pas d’innover.
Je me suis penché sur deux options pour augmenter le temps de repos des travailleurs, qui me semblent bien plus intéressantes que de savoir si nous partirons à 62 ou 64 ans à la retraite.
Bonne lecture,
Sam
Penser le futur du travail nécessite de penser le futur du repos
A 26 ans, la retraite me semble un sujet bien trop lointain pour que je m’en préoccupe. Tout ce que je sais c’est que ma comptable calcule et vérifie mes cotisations, et de mon côté je fais quelques placements à long terme. Mais ma vision de la retraite semble bien éloignée de la façon dont elle est décrite par les syndicats s’opposant aux réformes du gouvernement. Je compte bien travailler tant que j’en suis capable et que l’activité me donne de la satisfaction.
J’ai l’impression qu’en sacralisant un âge de départ à la retraite le plus tôt possible, les syndicats défendent une vision de la retraite comme une période de repos totale, une période d’inactivité, une compensation durement gagnée au fil des années de labeur. Or il s’agit là d’une vision bien triste de ce que devrait être la retraite, découlant d’une vision tout aussi négative et insatisfaisante du travail.
Certes il y a un temps pour tout, et certaines personnes n’ont plus envie de travailler comme elles l’ont fait pendant 40 ans, notamment dans les métiers les plus difficiles, précaires et pénibles. Mais s’il faut se battre pour augmenter le temps de repos des travailleurs, je ne suis pas certain qu’il faille défendre un départ à la retraite le plus tôt possible, d’autres voies me semblent bien plus intéressantes et sont pourtant absentes des débats actuels.
Pourquoi j’ai l’impression que les syndicats se trompent de combat ?
Au XXe siècle, les syndicats se battaient pour améliorer la qualité de vie des travailleurs, et cela passait par la réduction du temps de travail et l’augmentation du temps de repos : des journées plus courtes, des congés payés de plus en plus longs, des augmentations de salaire… Aujourd’hui nous avons atteint un temps de travail qui semble raisonnable et l’amélioration de l’environnement de travail ne passe plus nécessairement par la réduction du temps de travail, d’autres leviers existent !
Les syndicats qui portaient jadis une vision progressiste du travail semblent se battre pour une vision conservatrice du travail, les débats semblent être les mêmes depuis plus d’une vingtaine d'années et sont dépourvus de la moindre notion d’innovation organisationnelle qui semble pourtant être un des futurs possibles du travail.
S’il faut se battre pour obtenir plus de temps de repos pour les travailleurs, voici deux concepts qui me semblent plus prometteurs et fédérateurs que les actuels dialogues de sourds.
Bénéficier de sa “retraite” tout au long de sa vie
Le retraite telle que nous la connaissons est un héritage d’une époque industrielle où les carrières étaient linéaires. A l’ère numérique, ce découpage de la vie paraît obsolète.
Plutôt que de bénéficier d’un long temps de repos à un moment de la vie où nous sommes moins en forme qu’avant, l’idée est de permettre à chaque travailleur de jouir de différentes périodes de repos allant de plusieurs mois, au fil de sa carrière et en fonction de ses cotisations. Chacun est libre d’occuper ce temps-là de la façon dont il le souhaite : profiter d’un congé parental plus long, consacrer du temps à une association, voyager, ne rien faire, se former à une nouvelle compétence, créer une société… Il y a autant de façons de “se reposer” que de façons de vivre sa retraite.
Le concept existe déjà sous la forme des vacances illimitées. Mais c’est peut-être plus encore le concept des “sabbaticals” déjà en place dans certaines entreprises, qui se rapproche plus du modèle que j’ai en tête. Certaines organisations donnent la possibilité à leurs employés de prendre jusqu’à 4 mois de congés, tous les 3 ans, les périodes variant d’une société à une autre. C’est par exemple le cas de Buffer qui accorde jusqu’à 12 semaines à ses employés et explique les bienfaits de ces longues pauses.
La semaine de 4j
Nous avons tous besoin de repos car le travail use nos corps, notre esprit, notre créativité, et le repos revêt également une dimension sociale dont nous avons besoin. Mais nous n’avons pas tous besoin de repos dans les mêmes proportions.
Ceux pour qui le travail est particulièrement difficile préféreraient peut-être bénéficier d’un jour de repos supplémentaire par semaine plutôt que de partir un ou deux ans plus tôt à la retraite. Et ceux qui ne se sont jamais posé la question découvriraient certainement un rythme nouveau; en 4 jours ils auraient plus de temps pour de nouvelles activités. Côté entreprise, c’est un concept qui a fait ses preuves, peu importe les métiers et le secteur, cela suppose une réorganisation de l’entreprise, une réflexion sur la valeur du temps de chacun pour cesser d’en faire perdre avec des réunions inutiles, des tâches superflues de contrôles, cela suppose parfois de former pour une meilleure polyvalence… C’est certes une réforme plus complexe qu’une simple réduction de la semaine, mais la mesure porte ses fruits partout où elle est mise en place. Elle améliore à la fois la performance et le bien-être de chacun.
J’ai rendu visite à plusieurs sociétés ayant testé le concept et notamment à LDLC, la plus grande entreprise au monde à avoir mis en place la semaine de 4 jours de façon définitive, il y a plus de deux ans maintenant. En voici le récit.
Je trouve très étonnant, et pour être honnête, décevant que l’innovation managériale et organisationnelle soit complètement absente des réflexions et revendications des syndicats. Ce qui jadis faisait la puissance des syndicats, c’était la capacité à mobiliser autour d’une vision progressiste du travail, aujourd’hui j’ai l’impression qu’ils ne portent plus aucune vision mais protestent, parfois à juste titre, parfois pas, sans proposer quoi que ce soit de novateur.
Si les syndicats manquent de suite dans les idées, c’est certainement car ils peinent en interne à mobiliser les personnes qui souhaitent réellement améliorer l’environnement de travail et la pérennité de l’entreprise. J’ai le sentiment que les personnes qui se syndiquent aujourd’hui sont celles qui n’ont plus foi dans l’entreprise, sont désengagées et cherchent alors à s’engager ailleurs, dans les syndicats, qui nourrissent leur sentiment de frustration et leur envie de revanche sur les “salauds de patrons”. Et les entreprises ont leur part de responsabilité dans cette situation, elles n’ont pas réussi à créer l’environnement de travail qui donne à chacun suffisamment d’autonomie, aide à progresser, offre de la reconnaissance… En bref, elles n’ont pas toujours été capables de faire sentir à chacun de ses membres pourquoi ils se levaient le matin pour le collectif.
News 🔥
Nous avons dévoilé le titre de WIP#3 : Time to Work
On l’a annoncé en vidéo avec une voix off qui revient sur la genèse de ce nouveau projet et ma vision du travail depuis l’enfance. Je n’avais pas revu les images de WIP1 depuis des mois, ça fait bizarre de se dire que le premier documentaire est sorti il y a déjà 3 ans.
J’ai participé à la création d’un ebook sur les 10 tendances qui marqueront le monde des RH cette année pour Welcome to the Jungle, aux côtés des experts du Lab, et ça a l’air d’avoir beaucoup plu, merci pour les retours !
J’ai participé à deux podcasts, le premier épisode de Boucan, 15’ sur le futur du travail. Et plus d’une heure avec Chloë sur Le Campus, avec une discussion plus personnelle.
WIP Expedition Night : On en parle du sold out en moins d’une semaine ?! 500 places bookées en quelques jours, un immense merci pour la confiance, on prépare une sacrée soirée ! Je suis désolé pour tous ceux qui n’ont pas eu le temps de prendre des places, inscrivez-vous sur la liste d’attente, ça ne vous engage à rien et si une place se libère (ça sera forcément le cas sur quelques unes), vous recevrez un email direct !
Et je crois qu’il est temps de vous dire d’où est envoyée cette newsletter !
Je vous écris depuis le Japon ! 🇯🇵 C’est la dernière étape de Time to work, et un passage obligé pour explorer notre rapport au temps de travail. C’est le seul pays au monde à avoir un terme pour désigner la mort par excès de travail : le karoshi. Au-delà de ce fléau, le rapport au travail est extrêmement différent et hyper intéressant à étudier pour notre sujet. J’ai rendez-vous avec plusieurs entreprises, pour comprendre le marché et la culture du travail, puis nous avons programmé une interview avec un sociologue et organisé le tournage d’une mini fiction avec un comédien ! L’équipe de réals débarque la semaine prochaine, j’ai profité de ce voyage pour venir une semaine en avance m’imprégner de la culture, et me rendre à Hokkaido, l’île tout au nord réputée pour sa poudreuse dans des stations de ski féeriques.
Je ne manquerai pas de vous raconter mes apprentissages sur la culture du travail au Japon qui me fascinent déjà depuis que j’ai démarré mes recherches sur l’archipel. Rendez-vous dans le prochain billet !
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
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Bonne journée ! 🌞