Vous allez adorer bosser avec d’autres générations au travail
Billet du futur #125 : Jeune con, vieux fou : dépasser les stéréotypes de l’intergénérationnel
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Lire la BD “Mais pourquoi j’irais travailler ?” 📖
Bonne lecture, et rdv dans la section news pour quelques invitations!
Sam
J’ai régulièrement été sollicité par des médias ou des entreprises pour commenter des actualités sur le monde du travail en tant que représentant d’une génération.
“Mais si, ça ira très bien, vous qui êtes jeune vous allez pouvoir nous dire pourquoi la Gen Z ne veut plus travailler, et quelles sont ses attentes.”
Et j’ai toujours refusé de me faire le porte parole d’une génération car je ne me sens pas Gen Z, pas plus que je ne me sens Millennials (à une année près, on bascule vite d’une case à l’autre).
Et pourtant, le prisme des générations est plébiscité pour traiter des transformations du travail. Et pour une bonne raison, derrière les titres racoleurs sur les générations, c’est tout l’enjeu des relations intergénérationnelles en entreprise qui se joue.
Alors pour détricoter le vrai du faux, passer outre les biais et repartir avec quelques bonnes pratiques concrètes en 5’ de lecture, j’ai interviewé Jasmine Manet.
Un esprit brillant que j’ai la chance de compter parmi mes amies qui a consacré ses dernières années à explorer la thématique de fond en comble pour aboutir à de nouveaux pactes intergénérationnels.
Par ici pour papoter avec nous
Salut Jasmine, imagine qu’on ne se connaît pas et qu’on se croise sur une conférence, comment tu te présentes ?
Hello Sam ! Jasmine, 28 ans, franco-britannique, la tête à Paris, le cœur à Marseille, entrepreneure. La journée, je suis la directrice générale et cofondatrice de Youth Forever, une association qui oeuvre à (re)créer un dialogue entre les générations au travail pour rendre la transformation plausible et possible. Je suis aussi derrière le podcast Vocation qui (scoop!) reprend dans quelques semaines après 3 ans de pause !
Je m’intéresse aux problématiques (et opportunités) du travail, de la transition démographique, de l'âgisme. J’aime résumer mon engagement à tenter de répondre à une seule question : qui va le faire ? Qui seront celles et ceux capables, volontaires, formés, enthousiastes de mener la transformation de notre société pour les 50 prochaines années ?
C’est une vaste question… Qu’est-ce qu’on met derrière l’enjeu l'intergénérationnel en entreprise ?
Le problème c’est que l’intergénérationnel, c’est un peu un flou artistique, plein de clichés et de caricatures. L’entreprise n’est qu’en réalité le miroir de la société : l’enjeu intergénérationnel est culturel et sociétal. Le premier cercle intergénérationnel est la famille, ne l’oublions pas !
Pour y voir plus clair, je décompose le problème en trois enjeux :
L’enjeu managérial : Comment faire collaborer des équipes intergénérationnelles ? comment manager des générations différentes ? Ces problématiques sont amplifiées par le mythe d’une jeune génération (vrai aussi chez les seniors généralement !) qui n’a plus le goût de l’effort voire un nouveau rapport au travail. En moyenne, il faut dépasser ces stéréotypes et revenir à du bon sens managérial.
L’enjeu RH : Quelle est la pyramide des âges de mon entreprise ? Quelles générations sont sous/sur-représentées ? Dans un contexte de transition démographique, d’obsolescence de compétences et d’intelligence artificielle, comment renouveler les équipes ? Comment organiser la transmission de compétences et de connaissances ?
L’enjeu diversité & inclusion : La diversité de générations en entreprise augmente la performance, l’innovation, la santé des équipes. Une diversité qui ne doit pas qu’apparaître dans les chiffres mais se voir au quotidien : dans les équipes projet, dans les espaces partagés…
Et pour les entreprises qui ont des clients intergénérationnels, nous pourrions ajouter l’enjeu business !
Justement, est-ce qu’on a des études sur les bienfaits d’avoir une culture intergénérationnelle en entreprise ?
Plein ! Quelques chiffres que j’aime bien :
Les entreprises avec +10% par rapport à la moyenne des + 50 ans sont plus productives (Working Better with Age, OCDE, 2020)
La discrimination liée à l’âge dans l’emploi peut couter 6% de la masse salariale à l’entreprise (Working Better with Age, OCDE, 2020)
Les équipes intergénérationnelles sont en moyenne beaucoup plus innovantes (Institute for Employment)
Mais les études sur le sujet sont encore rares, j’espère que le sujet va prendre plus de place dans les années à venir !
Revenons à la question de départ, je n’ai jamais été trop fan des grands titres “attirer la Gen Z, comment travailler avec les Millenials ?” Est-ce que le concept de génération a un sens pour réfléchir aux transformations du travail ?
Pareil, je suis allergique à ces titres. Tu poses la bonne question ! Quand j’interviens, je prends toujours le temps d’alerter mon public aux limites du terme de génération : il gomme toute diversité, il est statique, il est souvent confondu avec l’âge et puis il crée ce que j’appelle des “prophéties autoréalisatrices” - à force d’attribuer telle ou telle caractéristique à une génération, elle va finir par y croire, et l’utiliser à son avantage. Quand on parle de générations, c’est important d’avoir ces limites en tête.
Néanmoins, je pense que le concept reste intéressant pour s’intéresser au contexte, si on revient à la définition de génération il s’agit d’une cohorte d’âge façonnée par son époque : par le contexte, le climat social, économique, politique, la culture populaire, l’éducation reçue, etc.
Pour la génération Z, c’est comprendre l’impact de la pandémie qu’elle a vécu étudiante ou jeune actif ou des nouvelles technologies (réseaux sociaux, internet…) et leurs effets sur sa façon de communiquer, de socialiser, de réfléchir, de s’habiller… ou sur son rapport au temps dans l’instantanéité totale. Ou encore du contexte de crises permanentes, complexes et imbriquées (qu’elles soient environnementales, sociales, politiques, sanitaires)…. et leurs impacts sur sa santé mentale ou sa capacité à se projeter.
C’est intéressant de parler de l’âge de quelqu’un à une époque précise. Et en même temps, est-ce qu’on ne passe pas tous plus ou moins pas les mêmes étapes de vie qui nourrissent les stéréotypes ?
En sociologie, on différencie les effets d’âge des effets de génération : en bref, la différence entre avoir 25 ans et 25 ans en 2025. Beaucoup des reproches générationnels, notamment vis-à-vis de la génération Z n’ont rien d’inédit. Nous n’inventons rien : depuis l’Antiquité, on traite la jeunesse de paresseuse, têtue, irrespectueuse, naïve… Arrêtons de reprocher aux jeunes d’être jeunes !
Le rapport générationnel au travail ne relève donc pas des traits liés à l’âge mais à la génération : quel a été l’impact du COVID sur le rapport au travail génération Z ? Des réseaux sociaux ? De l’intelligence artificielle ?
Tu recommandes de mettre en place des politiques différentes en entreprises pour s’adapter aux différentes générations ? En matière de rythme de travail, de mode de management, de lieu de travail…
Les deux approches sont possibles mais si on sépare les générations, je préfère avoir une approche par moments de vie plutôt que par âge pour mieux coller à des parcours de moins en moins linéaires.
Dans certains cas (alternance, fin de carrière, parentalité…), l’approche générationnelle peut avoir du sens mais en moyenne, je préfère que l’intergénérationnel soit plutôt un levier d’inclusion que d’exclusion. Comment mettre en place une politique d’entreprise en prenant en compte les problématiques de toutes les générations ? Il faut trouver ce qui les rassemble avant de les opposer : aujourd’hui, toutes les générations sont en quête de flexibilité, de respect, de bonnes conditions de travail, de s’épanouir dans son boulot…
Dans le fond, elles recherchent toutes la même chose, c’est juste qu’elles ne les expriment pas de la même façon non ?
La Génération Z est pour moi une loupe grossissante sur les signaux faibles de l’époque en matière de rapport au travail. Soit elle annonce de nouvelles tendances (enjeux de santé mentale ou la place de l’IA au travail par exemple) soit elle révèle des attentes partagées (plus de flexibilité, télétravail quand c’est possible, sens…).
La différence c’est que pour elle, ces attentes sont non négociables. Et c’est là qu'apparaissent les clivages générationnels !
Justement, en matière de clivages, quels sont les biais les plus fréquents qui empêchent des échanges constructifs entre les générations au sein des entreprises ? Histoire qu’on ait bien ça en tête pour s’en prémunir.
Pour n’en citer que quelques uns :
le biais de confirmation : se conforter dans ses croyances dans ses lectures ou relations ;
la biais de généralisation : confondre tous les jeunes par exemple avec ses enfants ou ses alternants ;
le biais du faux consensus : partir du principe qu’on est d’accord alors que souvent deux mots ou deux concepts ne veulent pas dire la même chose (on a beaucoup d’exemples sur le terrain sur les horaires ou les tenues !)
Nous retrouvons les mêmes biais que pour les autres enjeux de diversité & inclusion !
Bon et maintenant ce qui nous intéresse ce sont les solutions, est-ce que tu as observé des bonnes pratiques chez certaines entreprises ?
Chez les entreprises, il y a celles qui ne font rien (en conscience ou sans s’en rendre compte), celles qui veulent être à la pointe (souvent les meilleurs de la classe en terme de diversité culturelle ou de politiques D&I) et celles qui n’ont pas le choix vu leurs pyramides des âges (souvent avec une population majoritaire en âge de pré-retraite ou majorité de moins de 30 ans). Là encore, l’Angleterre et l’Allemagne sont beaucoup plus en avance que nous en termes de réflexions sur l’âgisme et la longévité en entreprise.
Certaines entreprises se sont intéressées au sujet par le prisme jeunesse ou seniors (regarde par exemple les signataires de la Charte du Club Landoy). Je pense aussi au programme Nold de Danone ou le programme inter-entreprises Octave, des initiatives d’Axa ou de Disneyland Paris. Rares sont celles qui ont une approche holistique (RH & D/I) de l’intergénérationnel !
J’ai l’impression que le sujet n’est pas encore arrivé à maturité pour voir émerger des politiques volontaristes intergénérationnelles : nous sommes aujourd’hui dans un temps de sensibilisation (en témoigne le nombre de sollicitations que j’ai pour des conférences sur le sujet !). Mais le sujet progresse et tu y contribues en intégrant la dimension transition démographique aux forces étudiées dans le prochain docu - merci !
J’ai adoré creuser le sujet. Avant de te laisser filer, est-ce que tu as des conseils à donner à un manager qui se sent perdu dans son rapport aux différentes générations ?
Pour commencer, poser un diagnostic : quelle est la pyramide des âges de mon équipe ? Quels sont les risques et opportunités associés ? L'intergénérationnel est-il un enjeu dans l’équipe ? Ou bien un atout ? Et comment ?
Faire de l’intergénérationnel pour de vrai : prendre le réflexe de se dire, suis-je vraiment inclusif de toutes les générations ? Par exemple, si j’ai en tête une mesure spécifique pour les jeunes ou les seniors, peut-on la mettre en place pour tous ?
Se former (ou plutôt se reformer) avec des équipes aux biais qui entravent la collaboration et pour un environnement de travail plus inclusif sous le prisme de l’intergénérationnel.
Créer des espaces, des moments et des projets intergénérationnels.
Tisser ce que j’appelle des “pactes intergénérationnels”, c'est-à-dire des relations réciproques et horizontales (manager-managé, dans les équipes, dans le cadre de mentorat) où on clarifie dès le départ son mode de fonctionnement.
Et cette semaine, tu travailles sur quoi précisément ?
En ce moment, il y a un sujet qui m’interpelle : la notion de pouvoir au travail. Comment avoir de l’impact ? faut-il viser des postes à haute responsabilité ? Où se trouve le pouvoir ? Pour y répondre, j’ai ressorti mes micros pour faire une saison dédiée de Vocation sur les voies du pouvoir et de l’influence. Work in progress !
Bonne nouvelle saison, on va aller écouter ce podcast ! C’était génial, merci pour cette discussion Jasmine ! Pour ceux qui ont envie de poursuivre les réflexions, tu as quelques ressources à nous recommander ?
Oui, des tonnes, mais s’il fallait choisir :
Cet article de Jean Pralong, que tu connais je crois
Les articles et le podcast de Avivah Wittenberg Cox
On sort de l’intergénérationnel pour aller sur l’interculturel : The Culture Map qu’on ne présente plus.
Précommander la BD Travailler Demain à laquelle j’ai contribué : elle sort le 9 avril
Suivre le podcast Vocation : sur Spotify ou sur Apple Music
Pour continuer la conversation ensemble, le mieux est de passer par Linkedin
News 🔥
On a clôturé la semaine dernière la première édition du WIP Comedy Club, vous êtes +700 à avoir découvert le concept, à avoir ri du travail après le travail. Et on s’est vraiment éclatés sur ces 10 sessions, elles étaient toutes complètes, merci pour l’engouement, pour les rires, pour l’énergie. On va prendre le temps de se poser et préparer une deuxième saison pour cet automne encore plus folle !
Si vous avez manqué cette première édition, voici ce qu’en dit Le Parisien !
Et comme un événement peut en cacher un autre, on enchaîne avec un format plus sérieux mais non moins captivant, le documentaire ! Et d’ailleurs, on explore un bout du sujet de l’intergénérationnel dans ce documentaire.
Skills: make it work sort dans pile 10 jours, et le 8 avril, j’organise une avant-première à Paris, j’offre 3 places par ici aux plus rapides qui répondent à cet email !
Et si vous arrivez trop tard, séance de rattrapage, j’organise deux projections publiques avec l’équipe du film pour se rencontrer dans la vraie vie !
Lyon au Pathé Bellecour le 15 avril (il reste 6 places!)
Paris au Mk2 Quai de Loire le 15 mai (encore 40 places)
Pour les autres dates, c’est piloté par mes partenaires du documentaire et de diffusion, la Cité de l’Economie et des Métiers de demain à Montpellier, l’ANDRH et l’APEC un peu partout en France. Retrouvez toutes les projections par ici. Je serai sur place pour animer les débats après le film, j’ai hâte !
Parrain du futur
Le parrain de cette édition est The Daily Swile ! Si vous êtes passés sur notre expo photo ou à une des éditions de la WIP Expedition Night, vous les connaissez déjà, mais est-ce que vous connaissez leur newsletter ? Chaque semaine, elle décrypte avec finesse et mordant les tendances qui bousculent notre façon de bosser. Nouvelles pratiques, réflexions engagées et un brin d’irrévérence : de quoi nourrir vos neurones et pimenter vos discussions à la machine à café.
Pour la découvrir je vous recommande cette édition, et pour vous abonner, c'est par ici.
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
1 recommandation : Je t’envoie un épisode de podcast privé de 15’ dans lequel je te partage quelques convictions sur le travail.
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Visionnez mon quatrième documentaire, AI at Work: who runs the office? (2024)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞