Devenir irremplaçable par une IA
Billet du futur #95 : Curiosité, humilité, expertise | Une nouvelle BD de dispo, les vacances, et les nouveaux formats arrivent !
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant plus de 4 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Lire la BD “Et si on travaillait autrement ?” 📖
Bonne lecture,
Sam
L’intelligence artificielle pénètre un peu partout dans nos vies, et nous avons tous bien compris que tôt ou tard, elle finira par arriver dans nos métiers. La première question qui se pose, c’est quand ? Et la deuxième, c’est quel degré de bouleversement elle va amener à notre quotidien ?
Que mon métier soit peu ou très menacé de remplacement par des intelligences artificielles, on comprend vite qu’on a tous intérêt à s’y préparer. Mais si certains ont pris le sujet à bras le corps, ont été suffisamment curieux pour réellement réfléchir aux impacts de l’IA sur leur industrie et leur métier, pour tester les premiers outils… autour de moi la plupart adoptent une politique de l’autruche : “on verra bien quand ce sera là” “c’est un truc d’ingénieur, trop technique pour que je m’y intéresse”. Et pourtant le monde avance !
Après une dizaine d’interviews avec des pionniers en la matière, j’ai eu envie de rassembler les recommandations que je retiens sur les meilleures façons de se préparer et de réinventer son travail à l’ère de l’intelligence artificielle. Avec l'ambition de proposer des clés de lecture qui valent pour tous, peu importe nos métiers !
Comprendre à quel point mon métier est exposé au remplacement
Avant d’agir, il faut déjà comprendre ! Pour savoir si un métier court le risque d’être remplacé par une IA, tous les analystes des cabinets de conseil ont suivi la même méthodologie, et elle est à la portée de chacun d’entre nous ! Il s’agit d’abord de se demander au sein d’un métier quelles sont les tâches qui sont exécutées au fil de la journée. Et ensuite de se demander à la fois combien de temps on passe à faire chacune de ces tâches, et si ce sont des tâches qui peuvent être réalisées par des IA.
On est a priori tous capables de lister les tâches que l’on effectue au sein d’une journée type et qui composent notre métier. C’est sur le jugement de la menace de remplacement que ça se corse. Difficile de formuler une réponse précise car les technologies évoluent très rapidement, et les adoptions pas toujours.
Pour résumer, on peut considérer que les tâches qui sont le plus exposées au remplacement par des IA dans un avenir proches ont deux caractéristiques :
Elles sont routinières : c'est-à-dire qu’elles sont répétitives et peuvent être décomposées en un système. Le risque ne vient d’ailleurs pas seulement des IA mais de l’automatisation de certains process lorsqu’on répète plusieurs fois la même action.
Elles reposent sur beaucoup de data : les tâches demandent de recevoir une grande quantité de données, la traiter, et la renvoyer.
Encadrer les tâches déléguées aux IA
Identifier les tâches qui peuvent ou vont être déléguées à des IA, ne veut pas dire qu’il faut s’en désintéresser, au contraire, il faut agir !
Et ici agir signifie les encadrer, c’est à dire être en veille sur les solutions qui existent sur le marché pour traiter ce type de tâche, tester les différentes IA disponibles, le cas échéant participer à l’entraînement de certaines, proposer des use-cases et faire en sorte que chacun dans l’entreprise sache se servir des intelligences artificielles à notre disposition à un instant T. C’est un travail continue, les tâches à réaliser au sein d’un métier évoluent, et les technos à notre disposition aussi, il s’agira de rester en veille pour associer les bons outils aux bons problèmes.
Et une fois les outils en place, il faut veiller au bon déroulement des opérations, c'est-à-dire être capable de donner le bon contexte, de poser les bonnes questions, de bien prompter. Et d’être capable d’émettre un jugement sur la production des machines, de faire preuve d’esprit critique pour détecter les erreurs.
Pour en arriver là, chacun a un rôle à jouer ! Personne ne connaît mieux que soi nos tâches, leurs contextes, les problèmes potentiels, les façons de les résoudre, les risques majeurs, les “extra-miles” qui rendent le produit meilleur… Si certains use-cases nous “tomberont” dessus comme des évidences, pour la plupart, il faut tâtonner, tester les IA disponibles, comprendre leur fonctionnement. Et puis s’il faut être capable de partir d’une feuille complètement blanche pour s’ouvrir à toutes les possibilités, il faut aussi avoir un oeil qui traîne sur le côté pour s’inspirer des différents use cases de pionniers, qui ne sont d’ailleurs pas toujours dans notre secteur mais où l’utilisation ingénieuse de la techno pourra nous donner des idées !
Et pour ça, on a besoin que chacun soit dans une démarche proactive, pour trouver tous les usages utiles, et ne pas attendre que ça tombe tout cuit de la part du manager. Parce que le vrai enjeu avec ces tâches déléguées à l’IA, c’est de gagner en productivité pour se dégager du temps pour des tâches qui, elles, ne sont pas menacées de remplacement !
Réinventer son job
La meilleure façon de faire en sorte de “protéger” son job du remplacement est de maximiser les tâches qui ne peuvent pas être déléguées à une IA, de faire en sorte que la grande majorité du temps passé au travail le soit sur des sujets qui ne peuvent pas et ne pourront pas être délégués à des machines.
Pour certains métiers, c’est assez évident, une partie extrêmement faible des tâches du métier d’infirmière peut être déléguée à une IA. Pour d’autres, notamment des cols blancs, c’est plus difficile.
L’idée est d’identifier au sein de son poste les tâches qui reposent sur des échanges humains, qui nécessitent de faire preuve de créativité, d’empathie, parfois de dextérité, et surtout de jugement ! Car ce sont là des domaines où les machines ne peuvent pas remplacer l’humain, elles peuvent parfois l’imiter, mais elles ne le remplaceront pas.
C’est là qu’il faut être capable de faire un grand écart, parce que ça veut certainement dire que le métier demande de réaliser de nouvelles tâches, et pas nécessairement celles qui étaient initialement listées sur la description du poste au moment de la signature du contrat de travail.
Prenons l’exemple du métier de comptable, Goldman Sachs le place en tête des jobs menacés de remplacement. Le comptable qui veut se protéger va essayer de réduire au maximum le temps qu’il consacre à la saisie des écritures comptables, la rédaction des notes de bilans, l’envoie des formalités juridiques à chaque échéance, et il va le faire en encadrant les IA qui permettent de réaliser plus rapidement ces processus répétitifs.
S’il gagne quelques heures par jour, que pourrait-il faire d’autre pour réinventer son quotidien ?
Nouer des liens plus forts avec ses clients : les voir plus souvent, passer plus de temps avec eux, des rendez-vous plus fréquents.
S’impliquer davantage dans la stratégie de l’entreprise en apportant son regard de financier sur certains projets, épauler son client dans la gestion de sa trésorerie. (Combien de boîtes se plantent ou frôlent la mort les premières années parce qu’elles ne savent pas piloter leur BFR ?)
Proposer des supports plus créatifs pour présenter les données financières à ses clients : mes comptables font un super travail pédagogique lors de notre rdv annuel, mais j’aimerais beaucoup avoir un tableau de bord ludique pour comprendre des notions complexes du bilan tout au long de l’année.
Historiquement, le comptable ne s’intéresse qu’aux données financières d’une entreprise, demain le standard sera certainement une compta 3C, c’est à dire d’être capable de piloter chaque projet avec un prisme financier, mais aussi social et environnemental, d’avoir des indicateurs clés en matière d’émissions de CO2, et pourquoi pas prendre de l’avance ?
Je suis loin d’être la meilleure personne pour réinventer le quotidien d’un comptable mais je suis certain que dans n’importe quel métier, les premiers concernés sauront réinventer leur fiche de poste s’ils y sont encouragés.
Élever son niveau de jeu
Aujourd’hui les IA disponibles sont capables de produire un travail globalement moyen. C’est bien pour préparer une présentation en école de commerce, c’est bien pour générer un post LinkedIn plutôt moyen mais on ne lui confierait pas encore les manettes de l’entreprise sur les sujets clés, on l’utilise plutôt pour des tâches secondaires.
L’idée consiste alors à élever son niveau en produisant un travail de meilleure qualité que l’IA, idéalement à un niveau d’expert ! Et pour cela, pas besoin de cibler des tâches qui ne peuvent pas être réalisées par des IA, mais simplement de le faire mieux qu’elles !
Si en montage vidéo les IA sont impressionnantes et je délègue volontiers la création de ces affreux reels avec les sous-titres jaunes pleins d’emoji qui te sautent aux yeux, à une IA, je ne lui confie pas le montage de mon documentaire.
Si je délègue volontiers la génération d’une landing page pour un projet annexe à une IA, je confie la rédaction de mon site à un excellent copywriter qui fera bien mieux ! (en pleine refonte d’ailleurs, ça arrive !)
L’idée n’est pas de tourner le dos à l’IA, mais de s’appuyer dessus, il est souvent plus rapide de corriger que de produire de 0.
Vous avez certainement vu passer la phrase “vous ne serez pas remplacé par une IA mais par quelqu’un qui utilise une IA”. Les meilleurs dans leurs domaines utilisent l’IA comme un outil de travail et retravaillent à partir d’une base produite par la machine, ils savent quand la solliciter et comment le faire !
Le fait d’élever son niveau de jeu implique de se former, d’avoir en tête que son socle de compétence ne sera jamais figé, qu’il va sans cesse falloir apprendre de nouvelles techniques, mais c’est ça la beauté du savoir-faire !
Créer de la valeur pour l’entreprise en dehors de son job
C’est peut-être l’idée la plus difficile à mettre en place et la moins évidente mais elle me plaît beaucoup. Nous ne sommes pas recrutés uniquement pour effectuer des tâches au sein d’un poste précis, mais pour créer de la valeur pour une entreprise.
Et il est peut-être temps de reconnaître cette vision de l’engagement qui dépasse la fiche de poste pour permettre à chacun de réfléchir à la façon dont il contribue à l’entreprise dans son ensemble.
Une ex-employée de Google me partageait que l’entreprise mesurait le taux d’occupation de ses membres et avait en tête le chiffre idéal vers lequel elle devait tendre. Elle n’a pas voulu me le donner me disant que c’était un chiffre top secret, mais ce n’était pas 100%. Il existe un taux d’occupation qui semble idéal pour ne pas cramer ses membres mais surtout pour leur laisser de la bande passante afin de saisir de nouveaux projets, d’initier des conversations avec des collègues, de s’ouvrir à d’autres pratiques, en somme pour innover ! Et si tout le monde était occupé à 100% de ces capacités, ce ne serait plus possible !
L’IA nous libère d’une part de notre charge de travail, et plutôt que de vouloir combler chaque minute gagnée, ce temps peut être employé à réfléchir plus largement, hors du cadre de sa fiche de poste, à la valeur que l’on crée pour l’entreprise.
Si notre comptable passe son temps à revoir des bilans, et à passer des écritures, il n’aura jamais ni le temps ni l’envie de penser aux autres indicateurs qu’il peut proposer à ses clients, de tester de nouveaux outils, ou de partager ses idées sur de nouvelles formes d’organisation et de rémunération. Pourtant c’est de cet état d’esprit dont nous avons besoin.
En bref, les 3 compétences que j’ai envie de retenir pour naviguer ces transformations : curiosité, humilité, expertise.
Je travaille en ce moment avec les partenaires qui soutiennent la docusérie pour creuser par verticales ce à quoi pourrait ressembler certains métiers une fois l’IA intégrée ! Je vous partagerai ces récits dans les prochains mois !
News 🔥
Bonnes vacances pour ceux qui font une petite pause et bonne semaine pour les autres ! Je rentre d’une semaine off et après le marathon de la rentrée où se sont enchaînés tournages et projections, ça fait du bien. Ces deux derniers mois je me suis rendu compte que je n’ai pas été à Lyon plus d’une semaine tant j’ai couru à droite et à gauche. Je suis content d’être de retour à la maison pour une période plus calme, si l’agenda reste toujours dense en projections, celles-ci sont en France et je vais me concentrer sur le montage de la docusérie et la préparation des prochains projets, car ils sont nombreux !
Je sors une deuxième Bande Dessinée !! On a remis ça avec Sophie, ça fait plus d’un an qu’on travaille dessus. On va retrouver Sam, notre jeune étudiante diplômée, quelques années après ! Elle a dorénavant expérimenté le monde du travail, elle est revenue sur certaines opinions et fait face à de nouveaux questionnements 👀
Sortie le 16 novembre, et vous pouvez la précommander dès aujourd’hui et j’ai dévoilé la couverture il y a quelques jours juste ici.
On se voit en novembre ? J’anime plusieurs projections des documentaires et deux d’entre-elles sont publiques, j’adorerais vous y voir ! Je serai le 7 à Bruxelles et le 21 à Toulouse. (gratuit). Pour organiser une projection ensemble, tout se passe par ici !
J’ai envie d’instaurer un petit rituel sondage à la fin de chaque billet ! Et comme la question mérite plus qu’un oui et qu’un non, rendez-vous en commentaires pour en débattre !
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022), la suite arrive en novembre !
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Merci pour l'exemple du comptable (pas le plus simple en plus), qui permet d'ouvrir les consciences sur comment être créatif pour rendre son travail plus humain et essentiel !
C'est le moment de bosser son intelligence émotionnelle 😊
Merci Samuel pour ce billet ! Ta conclusion sur l'importance de l'expertise m'a fait penser aux travaux des Susskinds : https://journals.openedition.org/sdt/35982 , qui mettent en débat le futur des professions d'expertise de manière assez intéressante je trouve.
A bientôt !