Les compétences pour guider les décisions
Billet du futur #112 : Le modèle de la skills-based organization, et on démarre un nouveau docu !
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant 5 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Une nouvelle année qui démarre et plein projets dans les cartons, à commencer par un nouveau documentaire que nous allons tourner dans quelques jours. Je vous en dis plus dans la section news, et d’ici-là je vous laisse avec le sujet du jour qui sera un des angles de ce nouveau film !
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Bonne lecture,
Sam
La Skills-Based Organization
La Skills-Based Organization, un jargon un poil pompeux de consultant en strat pour désigner un concept plein de bon sens : une entreprise dont le fonctionnement est guidée par les compétences.
Le terme n’est pas nouveau, des articles et études en parlaient déjà il y a une vingtaine d'années. Ce qui est nouveau en revanche, c’est la façon dont la technologie d’aujourd’hui nous permet de parvenir au stade le plus avancé du modèle.
A l’origine, tout semble partir des envies croissantes des individus d’être reconnus en tant que personne au sein des entreprises, et de ne pas être réduit à un titre de poste, à un job. Et pour traiter cette envie de reconnaissance individuelle à l’échelle de l’entreprise, il fallait créer un modèle. Pour certains ça a été cette Skills-Based Organization.
Une étude de Deloitte de 2022 a interrogé 1200 professionnels sur la question, et 77% des managers estiment qu’il est de la responsabilité des entreprises de faire en sorte que leurs salariés aient les bonnes compétences pour être employables, mais ils sont seulement 5% à affirmer que leur entreprise le fait suffisamment et de la bonne façon.
A part quelques voix dissidentes, la plupart des études pointent toutes un consensus sur l’idée qu’il faut aller vers ces approches par les compétences, avec des motivations variées. Pourtant, nous n’y sommes pas encore totalement. Je vous propose qu’on prenne ensemble le temps de comprendre à quoi ça sert, quels sont les bénéfices, et surtout les étapes pour y parvenir !
Les différentes étapes de la Skills-Based Organization
On peut distinguer plusieurs niveaux de maturité sur le sujet :
Niveau 1 : Vous avez compris l’intérêt d’adopter une approche par les compétences, vous avez commencé à identifier quelques compétences clés pour votre entreprise, mais vous n’avez pas une cartographie réellement à jour, personnalisée.
Niveau 2 : Vous avez cartographié les compétences de vos membres et cette donnée vous permet de piloter les plans de formation et de recrutement. Vous maîtrisez le mode projet et savez allouer les bonnes compétences au bon moment.
Niveau 3 : Vous avez associé cette cartographie des compétences de vos membres à leurs aspirations personnelles, ce qui vous permet de dessiner pour chacun des parcours à venir, d’identifier les compétences clés à acquérir afin de parvenir à l’étape suivante de leur carrière. Et vous mettez ces données en perspective avec le marché pour anticiper les besoins de compétences à venir.
Niveau 4 : C’est le stade ultime, vous fondez les décisions clés de votre entreprise en fonction de ces données sur les compétences. Les compétences sont considérées comme des “commodities”, elles ont une certaine valeur qui détermine les parcours, les recrutements, les formations, les promotions et la rémunération.
Si vous ne savez pas précisément où vous en êtes, Neobrain a mis en place un petit outil gratuit qui vous permet de vous positionner sur l’un de ces niveaux en 5’.
Et voici une liste d’actions à mettre en place pour aller vers une approche par les compétences :
Créer un cadre de compétences : pour chaque poste, associer une collection de compétences nécessaires.
Cartographiez les compétences actuelles de vos membres (déclaration individuelle, review de projets, évaluation par les managers) et profitez-en pour recueillir leurs envies quant à celles qu’ils aimeraient développer.
Mesurez les écarts entre les compétences actuelles de vos membres, et celles dont vous avez besoin pour vos différents postes, actuels et à venir.
Créez pour chaque individu des parcours de carrières clairs permettant de visualiser les compétences à acquérir et les postes vers lesquels ils peuvent évoluer en fonction de leurs envies.
Utilisez ces données pour guider l’ensemble des décisions : rémunération, promotion, lancement de projets, plans de formation
Concrètement, à quoi ça sert ?
Les motivations des entreprises qui tentent des approches par les compétences sont variées :
Réduire les discriminations : certaines cherchent à réduire les biais qui surviennent lors des recrutements ou des promotions. En s'appuyant sur les données, elles guident leurs décisions uniquement par les compétences.
Préparer une réglementation : Parfois c’est une nouvelle réglementation qui vient chambouler l’activité de l’entreprise, ou bien un pivot de business model. Dans ce cas il y a besoin de connaître précisément les compétences de chacun dans les postes qui vont disparaître, les compétences attendues dans les postes qui seront créés et les envies de chacun pour la suite de la carrière. C’est ce qui va permettre ensuite de guider les plans de formation avec des grands programmes de reskilling et les plans de recrutement. C’est ce qu’a mis en place Orsted au Danemark dès 2008 pour passer de la fourniture d’énergie fossile à l’énergie issue de l’éolien marin, et ce que sont en train de faire tous les constructeurs automobiles avec le passage des véhicules thermiques aux véhicules électriques.
Engager ses collaborateurs : Parfois la motivation est moins urgente mais non moins essentielle, il s’agit tout simplement d’un enjeu d’engagement des collaborateurs pour offrir une meilleure reconnaissance en tant qu’individu, proposer des rémunérations plus justes, inciter à se former et se projeter sur des carrières dans l’organisation, mieux liées aux envies de chacun.
Réduire l’inefficience : Un autre bénéfice de ces approches par les compétences, c’est de se débarrasser d’une couche d'inefficience inhérente à toutes les grandes organisations. A mesure qu’une entreprise grandit, elle accumule nécessairement des postes ou des bouts de postes qui deviennent des bullshit jobs, qui n’apportent rien à l’organisation et se maintiennent pourtant par des jeux de politique et d’ancienneté. Les données viennent remettre l’organisation à plat !
Et puis le stade final de ces skills-based organizations, c’est de fixer la rémunération d’une personne en fonction de ses compétences, pas de son niveau d’ancienneté, pas du diplôme qu’elle a obtenu quand elle avait 20 ans, mais bien de s’appuyer sur des données solides sur les compétences éprouvées. On n’en n’est clairement pas encore à ce stade, mais j’aime beaucoup l’idée de fixer les salaires de cette façon.
Les détracteurs des skill based organizations
La skills-based organisation a tout de même ses détracteurs et ils soulèvent des points intéressants.
La première critique formulée et que je trouve assez juste, c’est qu’on a déjà du mal à définir clairement ce qu’est une compétence. Dans cette même étude citée plus haut de Deloitte, le cabinet définit les compétences comme : “the tactical knowledge or expertise needed to achieve work outcomes within a specific context”, avouez que ce n’est pas très clair et assez large. Et si on a du mal à définir les compétences, on a encore plus de mal à qualifier si quelqu’un la maîtrise ou ne la maîtrise pas. Alors forcément, faire reposer toutes les décisions de son entreprises sur un concept flou, ça paraît bancal.
Pour l’instant la cartographie repose essentiellement sur les déclarations individuelles et les évaluations faites par les managers, c’est de la donnée qualitative qu’on ne peut obtenir que si l’ensemble des membres joue réellement le jeu. C’est là où l’IA est intéressante car elle permet d’avoir facilement une vue d’ensemble sur les compétences en agrégeant de la donnée à partir des déclarations individuelles, les reviews des projets et les évaluations des managers pour en faire ressortir les compétences.
D’autres voix s’élèvent pour dire que le “skills gap” est en réalité un trou abyssal qu’on n’arrivera jamais à combler car on fait toujours la course derrière de nouvelles compétences qu’on a du mal à anticiper et à planifier. La solution serait alors de recruter, former, promouvoir et guider l’ensemble des décisions non pas en fonction des compétences des individus, mais des comportements, des personnalités, des missions qui animent chacun. C’est une vision portée intelligemment par Heather McGowan dans cet article.
Et puis, la dernière critique et non des moindres, c’est qu’il est difficile de mesurer un ROI ou de s’appuyer sur des exemples concrets d’entreprises qui sont allées au bout de la démarche. Plusieurs exemples ressortent souvent : Coca-Cola, Haier, Unilever, WL-Gore, mais toutes ces entreprises n’ont pour l’instant adopté qu’une approche partielle par les compétences. Et sans ROI clair, les dirigeants sont réticents à leur emboîter le pas et axer toute une politique d’entreprise sur les compétences.
Pourtant, ce n’est pas parce que ça n’a jamais été fait qu’il ne faut pas le faire.
Le principal frein qui était la difficulté à cartographier précisément les compétences de chacun est en train d’être levé avec des outils de plus en plus efficaces. Et ces derniers sont autant capables d’identifier les compétences que les attitudes, les comportements.
Ce mercredi, j’animerai un webinar avec Paul Courtaud, CEO de Neobrain, dont la mission est justement d’aider les entreprises à guider leurs décisions par les compétences. On partagera plusieurs cas d’usages, c’est gratuit, à 9h30, inscrivez-vous pour participer ou recevoir le replay.
News 🔥
La grande nouvelle c’est le lancement du tournage de notre nouveau documentaire, pour l’instant le nom de code reste WIP#5, et on lui trouvera un titre à mesure que le contenu se précise. J’ai passé les 4 derniers mois à creuser ce sujet, beaucoup plus transverse que les précédents :
Peut-on concilier business et engagement sincères pour les défis de société ? Si oui, comment le faire ? Comment passer d’une bonne idée au déploiement à l’échelle ? Au risque de vous spoiler, la réponse est du côté des compétences !
Alors on ne va pas s’intéresser à comment Netflix est passé des cassettes à la plateforme digitale. J’ai choisi 3 grands sujets de société sur lesquels les compétences sont les clés pour guider les transformations à l’œuvre :
Le climat
La démographie avec notamment le vieillissement de la population
Le lien social et l’impact sur les territoires
Et je peux vous dire qu’on a de sacré speakers et exemples à aller rencontrer.
Pas des gens qui vendent du rêve et parlent au futur, mais des entreprises qui ont déjà mis en place des bonnes pratiques dont on peut s’inspirer. J’ai super hâte de les rencontrer et vous partager ces réflexions !
Et j’ai le plaisir d’être soutenu par sept organisations, certaines à mes côtés depuis des années, d’autres nous rejoignent pour l’occasion ! Cette confiance a beaucoup de valeur pour moi, d’abord c’est une forme de reconnaissance pour le travail effectué avec Work in Progress depuis 4 ans. Et puis c’est un essentiel pour aboutir à ces films, nos discussions sont précieuses pour cadrer le sujet, trouver le bon angle et surtout savoir qu’une fois prêts, les documentaires sont diffusés aux bons endroits, auprès des bonnes personnes et qu’ils auront de l’impact ! Et puis au-delà du fond, c’est surtout une formidable équipe d’une vingtaine de personnes avec qui j’ai hâte de passer plein de bons moments et partager plein de réflexions dans les mois à venir.
Je démarre cette semaine un cinémarathon, le principe : tous les jours une projection de AI at Work au cinéma dans une ville différente. Le programme ressemble à ça ! A bientôt dans l’une de ces villes.
Tes cadeaux pour te remercier de partager le Billet du futur
Pour rappel, si tu recommandes le Billet du futur à d’autres personnes, je t’offre des cadeaux !
1 recommandation : Je t’envoie un épisode de podcast privé de 15’ dans lequel je te partage quelques convictions sur le travail.
10 recommandations : Je t’invite à l’avant-première de mon prochain documentaire
25 recommandations : On s’appelle 30’ pour parler de ce que tu veux !
Il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir ton lien personnalisé.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Visionnez mon quatrième documentaire, AI at Work: who runs the office? (2024)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022) et sa grande sœur "Mais pourquoi j’irais travailler ?” (2023)
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Très bel article destiné aux initiés.
Beaucoup plus technique pour moi !
Merci Samuel, article sur la skills-based organization très intéressant, et qui a l'honnêteté de mentionner aussi les détracteurs. Pour être ambitieux et vraiment mettre en place ce type d'organisation, il faudrait décorréler les compétences de la job desk. Donc faire l'inventaire des besoins non pas en partant des postes mais des projets / des process / des activités de l'entreprise d'un côté et des personnes de l'autre. Etre ambitieux, c'est donc faire travailler davantage les RH avec les métiers, en faisant le lien entre activité et compétences. Souvent le référentiel des métiers et compétences RH n'est pas tout à fait le même que celui des opérationnels métiers qui établissent des process métiers. On peut dire Activity-based organization aussi, ce ne serait pas trop éloigné... Quant au ROI, ce devrait être la réduction du skills gap, indicateur qui se mesure régulièrement et, s'il diminue, contribue à améliorer la performance de l'entreprise car elle dispose alors des bonnes compétences. Encore faut-il être capable de le mesurer, j'admets que c'est facile à dire...