Que faire des gains de productivité ?
Billet du futur #97 : Produire plus, réduire le temps de travail, créer de la valeur autrement ? Un nouveau podcast.
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant plus de 4 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Lire la BD “Mais pourquoi j’irais travailler ?” 📖
Bonne lecture,
Sam
Dire ou ne pas dire ?
Si vous pouviez automatiser votre job et accomplir toutes vos tâches en 10mn par jour, vous choisiriez de le dire à vos collègues ou vous le garderiez pour vous ?
Imaginons une machine, un programme ou une IA qui vous permettrait d'exécuter parfaitement toutes vos tâches de la journée, sans que personne ne s'en rende compte, ni vos collègues, ni votre boss, ni votre entourage.
Vous auriez envie de le partager à vos collègues pour qu'eux aussi en profitent ? Le dire à toute la boîte pour la faire progresser collectivement et en profiter pour accomplir vous-même d'autres tâches ?
Ou bien vous feriez comme si de rien n'était, en profiteriez pour vous lever plus tard, prendre du temps pour vous, bricoler vos propres projets à côté, et empocher le salaire en vivant votre petite vie à côté ?
En 2021 c’est vraiment arrivé à un développeur d’une boite de juridique et il s’est sérieusement posé la question avant de décider de ne rien dire. Au début il s’est senti coupable, et aujourd’hui il trouve ça normal. Son témoignage est fascinant et déroutant à la fois.
Que faire des gains de productivité ?
La vraie question que pose cette histoire est celle de l’affectation des gains de productivité.
Comment se comporte un salarié qui réalise des gains de productivité ? Dans quelle mesure fait-il remonter l’information à sa direction ?
Dans cet exemple, ce n’est pas tellement la technologie qui est révolutionnaire, mais le savoir-faire de l’employé qui tire partie d’une situation où l’entreprise n’est pas capable de juger de la complexité d’une tâche qu’elle lui donne.
Mais les situations où les employés trouvent peu à peu des façons de gagner en productivité dans leur travail vont se multiplier avec l’intelligence artificielle.
Personnellement, je n’ai pas l’impression d’être plus productif, je n’utilise pas tant les IA pour gagner du temps mais plutôt pour réaliser de nouvelles tâches que je ne faisais pas auparavant. Mais dans plein de métiers, l’intelligence artificielle permet déjà ou va permettre des gains de productivité impressionnants. Evan Spark, le Directeur Produit chez HP me disait que déjà maintenant dans son équipe, plusieurs personnes réalisent leur to-do 20 à 30% plus rapidement grâce aux intelligences artificielles.
Alors que choisissons-nous de faire avec nos gains de productivité ?
Je vois trois façons de les mettre à profit :
Servir plus de clients : C’est le réflexe naturel, et c’est certainement comme ça que les gains de productivité liés à l’IA seront tous consommés si on ne prend pas la décision consciente qu’il en soit autrement. C’est la raison pour laquelle la fameuse prédiction de Keynes du siècle dernier selon laquelle nous travaillerions seulement 15h/semaine cent ans plus tard s’est révélée fausse. Le progrès technique a bien permis des gains de productivité, mais nous avons choisi de les affecter à la croissance, en produisant toujours plus, en servant toujours plus de clients… Et on le voit déjà aujourd’hui avec les effets de la numérisation, le temps de travail des comptables n’a pas diminué alors qu’ils sont bien plus productifs depuis qu’ils ne saisissent plus à la main chaque écriture. De la même façon, un monteur qui pouvait travailler sur 3 - 4 tiktok par jour est aujourd’hui capable d’en gérer plus d’une quinzaine sur une journée en s’appuyant sur des IA réalisant les cuts, ajoutant les sous-titres et même les images d’illustration.
Réduire le temps de travail : Ce n’est pas le réflexe naturel, mais c’est une idée qui traverse vite l’esprit quand on est capable de produire autant en moins de temps. Si je produis autant et avec la même qualité en 30h qu’en 35h, pourquoi je ne diminuerais pas mon temps de travail de 5h ? Déjà la décision individuelle n’est pas simple parce que le travail a une valeur sociale forte et la baisse du temps de travail n’est pas encore socialement valorisée. Et surtout parce qu’en entreprise, c’est le prisme de la croissance qui l’emporte, et il y a toutes les chances pour que l’entreprise augmente les objectifs et la production si elle se rend compte que la productivité a augmenté. Et le présentéisme étant encore en vigueur dans nombre d’entreprises, la baisse du temps de travail liée à l’augmentation de la productivité semble d’autant plus illusoire.
Mais rêvons un peu ! On pourrait imaginer que certains pionniers fassent le choix de profiter de ces gains de productivité pour réduire le temps de travail de leurs salariés, d’abord afin d’augmenter la qualité de vie au travail. Car si la production ne baisse pas, c’est une mesure qu’ils peuvent financer facilement. Et puis parce que c’est peut-être le début d’un nouveau modèle de société où notre travail ne se résume pas à notre emploi. Où le temps consacré à notre emploi principal est réduit au profit d’un travail destiné à des tâches aujourd’hui considérées comme du bon sens ou du bénévolat : éducation des enfants, aide à des proches, bricolage, entretien, culture et cuisine… C’est la vision de James Suzman, l’anthropologue interviewé dans Time to Work pour qui le travail est “une dépense d’énergie dans un but précis”. Et cette définition universelle du travail permet d’englober tout le travail gratuit qui n’est aujourd’hui pas rémunéré.Créer de la valeur différemment : C’est certainement l’idée la plus contre-intuitive : nous ne devrions pas embaucher quelqu’un uniquement pour produire. Dans n’importe quel métier, il y a une dimension de production et une dimension de réflexion. Cassie Kozyrkov décrit en anglais la partie “Thinking” et la partie “Tanking” un néologisme qu’elle définit comme le fait de produire ce qui est attendu d’un job. Ce n’est que cette partie “tanking” qui est mesurée par les gains de productivité et peut être menacée de remplacement en fonction des tâches. Mais ne juger que ce morceau c’est oublier toute la partie “thinking” d’un job qui consiste à avoir des interactions humaines, à créer des discussions, à lancer de nouvelles idées, à faire l’extra-mile sur une tâche, c’est sur ces compétences que repose l’innovation et donc la survie de l’entreprise !
Une réflexion dont je parlais plus en détail dans la newsletter “Devenir irremplaçable par une IA”
“L’IA nous libère d’une part de notre charge de travail, et plutôt que de vouloir combler chaque minute gagnée, ce temps peut être employé à réfléchir plus largement, hors du cadre de sa fiche de poste, à la valeur que l’on crée pour l’entreprise. “
Si le réflexe naturel est d’affecter les gains de productivité à la croissance, je crois qu’on peut tout à fait prendre la décision de les répartir plus justement de ces trois façons.
Le fait de produire plus n’est pas incompatible avec le fait de réduire le temps de travail ou de créer de la valeur différemment.
Il me semble être dans l’intérêt de chaque entreprise d’avoir une discussion avec l’ensemble de ses membres sur l’affectation des gains de productivité. Car ce sont eux qui, les premiers, se rendront compte de l’augmentation de leur productivité, pas les managers.
La façon dont ils réagiront ; comme notre développeur faisant mine de travailler alors qu’il lance un programme gérant sa to-do en 10’ chaque jour, ou bien en partageant largement les bonnes pratiques découvertes avec ses collègues, dépendra de la façon dont les dirigeants seront capables d’impliquer l’ensemble des collaborateurs dans la décision d’affectation de ces gains de productivité.
News 🔥
Côté nouvelles, le montage de notre docusérie avance à fond ! C’est si satisfaisant de voir les épisodes prendre forme. On a encore beaucoup de travail mais la construction commence à ressembler à quelque chose, je vois un peu plus précisément le résultat final se dessiner. Forcément on doit faire des choix difficiles, et couper des moments géniaux, on les met de côté pour les sortir sur YouTube à partir de janvier.
Et en parallèle de ces journées en mode tunnel, littéralement enfermé dans un sous-sol sans réseau pour être bien concentrés, je travaille à la préparation de deux gros projets qui verront tous les deux le jour au premier trimestre 2024. J’en ai teasé un premier sur LinkedIn pour lequel j’ai besoin de vos conseils si vous vivez hors de Paris.
Je pensais qu’avec la fin des tournages j’aurais un peu plus de temps à Lyon mais je me retrouve quand même aux 4 coins de la France pour des projections toutes les semaines. Et même si j’adore ces moments de rencontre, je ressens aussi l’envie de vivre un peu plus chez moi et moins dans les trains. L’objectif est fixé pour 2024 : passer au moins deux semaines par mois chez moi !
Je commence à recevoir vos retours sur la BD Mais pourquoi j’irais travailler ? et tous vos mots me font extrêmement plaisir.
👉 Si vous ne l’avez pas encore achetée, vous pouvez le faire juste ici !
👉👉 Et si vous l’avez lue, ce serait incroyable de me laisser une petite note et un commentaire pour lui donner de la visibilité🙏
Le 14 février, je serai à Paris avec Sophie, qui a écrit et dessiné la BD avec moi pour une mini conf, une session de discussion à la cool, un petit verre et une séance de signatures des BD. Ça se passe chez nos amis de WOJO Madeleine à 18h30, c’est gratuit, si vous avez envie de nous rejoindre, il suffit de s’inscrire (places limitées).
Et la grande nouvelle de la quinzaine, c’est le lancement de notre podcast avec Laetitia Vitaud : Work Buddies. On vous livre nos regards croisés sur le futur du travail, des conversations d'une trentaine de minutes où on en profite pour vous donner quelques nouvelles sur nos activités du moment. On espère que ça va vous plaire, mais pour tout vous dire, ce podcast on le fait avant tout pour nous, c'est une bonne excuse pour être sûrs de s'appeler toutes les deux semaines. J’ai profité du lancement pour raconter sur LinkedIn comment on s’est rencontrés, avec une petite photo collector de notre première discussion. Et pour notre premier épisode, on a choisi de parler de l’IA et la démographie.
Et pour la suite, dans les prochains jours, je vous donne rendez-vous à Metz et à Chartres pour des projections-débats, c’est gratuit, il suffit de s’inscrire !
Et pour organiser une projection ensemble, tout se passe par ici.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022), la suite arrive en novembre !
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞