Que font les pionniers ?
Billet du futur #93 : Intégrer l’IA dans son organisation, par quoi commencer ?
Bienvenue dans cette nouvelle édition du billet du futur ! Ça fait maintenant plus de 4 ans que j’explore les meilleures pratiques du Futur du Travail, et cette newsletter est le meilleur moyen de découvrir mes apprentissages en avant-première. Et aujourd’hui, on est en plein dedans puisque je rentre tout juste des premiers tournages du prochain documentaire Work in Progress.
Si ce n’est pas déjà fait vous pouvez aussi 👇
Regarder les documentaires Work in Progress 🍿
Organiser une projection avec vos équipes 📽️
Lire la BD “Et si on travaillait autrement ?” 📖
Bonne lecture,
Sam
Le billet arrive un poil en retard, mais c’est pour la bonne cause, je vous raconte tout ça. Tout juste de retour des premiers tournages du prochain documentaire, je vous propose une réflexion à chaud sur les meilleures pratiques découvertes au fil des rencontres.
J’ai eu le plaisir d’interviewer Erik Brynjolfsson, économiste et professeur à Stanford, puis Evan Sparks, Chief Product Officer AI chez HPE, avant de rencontrer Alex Su, Head of Community Development chez Ironclad et Cassie Kozyrkov, qui vient de quitter son poste de Chief Decision Scientist chez Google.
Et puis, au gré des pérégrinations autour de San Francisco et New York, j’ai rencontré différents penseurs dont les réflexions ont nourri les miennes.
Je n’ai pas encore eu le temps de me replonger dans les interviews, elles sont longues et denses (entre 45’ et 2h) et méritent des heures d’analyses avant d’être prêtes à sortir en documentaire. Mais j’ai pris quelques notes dans ma tête et sur papier de ces passionnantes conversations, voici ce que j’en retiens !
Intégrer l’IA, OK. Mais par quoi commencer ?
Plus grand monde ne doute du fait que l’IA va finir par s’immiscer dans la plupart des métiers. Et si la vague de peur associée est loin d’être dissipée, les plus perspicaces ont compris qu’il fallait s’y préparer, mais alors comment ? Par quoi commencer ? Et qui impliquer dans cette transformation ?
L’ensemble des personnes rencontrées ont souligné l’urgence à laisser l’ensemble des collaborateurs tester l’IA. Pour le moment, il s’agit d’une révolution individuelle plus que professionnelle. Contrairement à l’arrivée de l’ordinateur qui s’est d’abord concentrée dans les entreprises, et comme l’iPhone dont l’adoption a d’abord été individuelle, l’IA est d’abord entrée dans nos vies à travers un usage personnel.
C’est intéressant de se dire que ce n’est pas seulement certains salariés d’entreprises qui ont accès aux IA, mais ça crée des disparités dans son adoption. D’un côté, les plus curieux se sont précipités sur ChatGPT, Midjourney, Dall-e et parfois d’autres IA spécifiques, de l’autre, certains se sont rapidement dit que ce n’était pas pour eux et se contentent au mieux de lire les titres qui en parlent.
Pour Evans, Chief Product Officer, il est urgent de donner rapidement accès à différentes IA à l’ensemble des collaborateurs, et surtout, au-delà de quelques guidelines, il faut leur laisser la liberté d’explorer par eux-même cette nouvelle technologie ! Pour lui, il faut impliquer l’ensemble des collaborateurs, qui savent mieux que quiconque à quoi sont occupées leurs journées. Ce sont eux qui vont trouver des usages et pour ce faire, il suffit d’expérimenter ! Les usages viendront du terrain, c’est une transformation collective.
Evans recommande de rapidement dédier une à deux journée à des ateliers sur l’IA et de laisser ensuite en tâche de fond l’expérimentation se dérouler afin de faire émerger les use cases les plus utiles.
A la question “par quoi commencer ? quels processus optimiser avec l’IA ?”, Evans est réticent à répondre, car les cas d’usages dépendent énormément de la structure de l’entreprise, de son industrie… Il partage tout de même une généralité : il s’agit de prioriser les processus qui reposent déjà sur beaucoup de données. Plus il y aura de data à exploiter, plus l’IA sera précise et facile à mettre en place.
L’IA, un outil pour augmenter ou renforcer les écarts de compétences ?
Contrairement à l’idée largement répandue d’une intelligence artificielle qui va creuser l’écart entre les travailleurs les plus qualifiés et les moins qualifiés, Erik Brynjolfsson a montré que certaines IA permettaient de réduire les écarts de compétences et d’augmenter fortement la productivité des membres les moins qualifiés.
Ce faisant, le sentiment d’engagement augmente, les interventions des managers diminuent et Erik en profite pour appeler à inventer une nouvelle forme de rémunération, pas uniquement liée à la production mais prenant en compte l’ensemble de la valeur créée à l’échelle de l’entreprise. Sinon, quelle incitation auraient les travailleurs les plus qualifiés à partager leurs connaissances tacites afin d’entraîner les IA qui aideront les moins qualifiés à combler l’écart de compétences ? J’ai déjà parlé de son étude Generative AI at Work dans une précédente newsletter, j’étais super heureux d’en discuter en direct avec Erik !
D’une façon plus générale, ce voyage aux US m’a fait prendre conscience d’une chose qui ne me paraissait pas évidente : l’IA représente une opportunité formidable pour réduire les inégalités en faisant monter en compétences les travailleurs les moins qualifiés rapidement ! Mais parler de montée en compétences n’est peut-être pas très juste, c’est plutôt que les moins qualifiés disposeront d’outils permettant d’obtenir les mêmes résultats que les travailleurs les plus qualifiés.
Imaginez un entrepreneur sorti d’HEC, ayant reçu des bases en finance, en marketing, en PR, en droit, dont les amis de promo peuvent partager leur expertise sur ces différents sujets. Il aurait un sacré avantage s’il lançait une activité versus un entrepreneur ne bénéficiant pas d’une telle formation et d’un tel réseau.
Désormais, cet avantage prend la forme de différentes intelligences artificielles, disponibles gratuitement ou pour quelques dollars par mois, et qui apportent à n’importe qui des conseils sur toute une variété de sujets, bien au-delà de ce que ne permet une formation à HEC. Alors évidemment ça ne remplace pas un réseau, ni les compétences tacites acquises lors des études, mais ça permet de donner un nouvel outil à toute une catégorie de personnes n’étant pas passées par de longues études.
Rédiger un brouillon de contrat, créer un site web, programmer une campagne marketing, créer un communiqué de presse… Autant d’aspects de l’entreprise sur lesquels l’IA est pour l’instant au pire un mauvais assistant, et au mieux un expert fiable sur chaque domaine.
Attention à ne pas tomber amoureux
Dès qu’une nouvelle vague de technologie arrive, certains ne peuvent s’empêcher de tomber amoureux de la technologie en tant que telle ou des outils qui en découlent et passent moins de temps à s’interroger sur les problèmes qu’ils résolvent. RIP la crypto, les NFTs et en tirant côté produits, Clubhouse…
La première réaction pourrait être de se dire : “OK, l’IA va être partout, par quoi je commence ? Quels sont les processus que je peux optimiser en utilisant l’IA ?” Et quand j’ai posé la questions aux différents experts, tous ont été catégoriques, on raisonne dans le mauvais sens !
Partir de la technologie, en l'occurrence l’IA, n’a pas de sens car celle-ci évolue, on pourrait potentiellement utiliser l’IA dans tous les processus d’une entreprise, mais ça ne veut pas dire qu’on doit le faire.
Au contraire, l’approche est plutôt de se pencher sur les problèmes et les points de friction, puis de se demander quelles pourraient être les solutions. Parfois la réponse nécessitera l’intégration de l’IA et la technologie fera partie de la réponse, parfois ce ne sera pas du tout le cas.
Que font les pionniers ?
Les pionniers sont un peu partout, avec des innovations sur des cas d’usages bien spécifiques en fonction de leurs secteurs. Mais sans surprise, ce sont ceux qui développent des IA qui sont aux premières loges des transformations induites, les big techs. Ils commencent à prendre la parole sur leurs propres transformations internes, en tant que client zéro, et chez leurs clients !
L’intelligence artificielle est déjà présente depuis des années pour beaucoup d’entreprises, mais pas encore sous sa forme la plus récente : Generative AI.
Deux raisons semblent expliquer qu’on parle énormément de l’IA depuis quelques mois :
On est passé des IA restreintes aux modèles fondations : il y a quelques années, des IA étaient développées pour des usages bien spécifiques. Depuis 2018 on développe des modèles fondations, c’est à dire qu’on va entraîner des IA sur des tâches inutiles et très généralistes, de façon autonome et sur de très larges bases de données, c’est ce qui permet ensuite de trouver plein d’usages à partir d’un même modèle.
On est entrés dans une révolution de l’expérience utilisateur plus que de technologie. Si depuis 1 an on n’entend parler que d’IA c’est parce que les applications proposent des expériences utilisateurs agréables pensées pour des utilisateurs novices et permettent au plus grand nombre de se saisir des technos qui étaient autrefois réservées aux professionnels.
Mais si l’IA a énormément progressé, la plupart des entreprises ne sont pas encore prêtes à l’utiliser pour des enjeux clés, elles privilégient plutôt les tâches secondaires qui n’ont pas une grande importance stratégique. C’est ce qui leur permet de tester dans pleins de cas l’utilisation de l’IA sans prendre de risque et d’être prêt à accélérer et les intégrer une fois qu’elles seront plus matures.
En RH par exemple, l’IA est volontiers utilisée pour rédiger des offres d’emplois ou pour générer des questions d’entretiens, mais beaucoup d’entreprises sont encore réticentes à lui déléguer la sélection des candidats par l’analyse vidéo.
D’une façon plus générale, si les entreprises investissent massivement dans l’IA, elles semblent encore freinées par le flou juridique et l’absence de charte éthique qui entourent son utilisation. Sur ce sujet, toutes les personnes interviewées sont confiantes sur le fait que d’ici quelques mois, les débats seront suffisamment avancés pour lever les dernières frictions.
Les personnes rencontrées aux Etats-Unis avaient toutes une vision de long terme optimiste, pour certains de façon très tranchée, pour d’autres modérée. Mais aucun ne ne manquait de signaler les défis posés à court terme : un cadre éthique à créer de toute pièce au niveau des institutions et des entreprises, la formation à la prise de décision, la nécessité d’accompagner celles et ceux dont les jobs seront supprimés même s’ils sont peu nombreux, la nécessité d’accompagner ceux dont les jobs seront transformés, eux seront très nombreux. Sans le nommer explicitement, certains font référence au revenu universel pour redistribuer une partie de la valeur créée par l’IA pour les big techs.
Et puis, le dernier sujet que nous avons abordé avec chacun des speakers et qui m’est cher, est la distinction entre le résultat final et le processus. Cette idée qu’il faut que l’IA reste un outil que l’on choisit d’utiliser pour certaines tâches car on ne valorise que le résultat final, et qu’on choisit consciemment de laisser de côté pour d’autres car on accorde de l’importance au processus en tant que tel. C’est l’objet de mon dernier billet, à lire ici.
Il y aura encore beaucoup à écrire sur les différentes façons dont les entreprises intègrent les IA, pour l’instant je poursuis les interviews et réserve d’autres analyses à de prochaines éditions de ce billet et au documentaire !
News 🔥
Je vous écris cette newsletter depuis Londres où la team est en train de mettre en place la prochaine interview, nous en sommes à la moitié des tournages de ce documentaire.
Pendant 3 semaines, j’ai mis en pause tous les autres projets, je n’ai pris aucun call pour être complètement concentré sur ce documentaire, c’est une vraie parenthèse dans l’année qui fait beaucoup de bien, un mélange d’excitation, de concentration, de fatigue, et de découvertes ! Étant donné l’intensité des déplacements et de chaque tournage, il fallait bien ça.
Je suis chez nos amis d’outre-Manche pour la semaine et la suite des tournages se passera à Paris dès la semaine prochaine !
Côté projections, à force d’animer d’en animer avec les différents documentaires, j’ai fini par récolter les opinions de +4500 participants sur les différents concepts du futur du travail abordés. Je les ai rassemblés dans la toute première étude Work in Progress qui tient sur une page. Les principaux leviers de motivation, semaine de 4j, équilibre pro-perso, autonomie… toutes les réponses sont ici !
Le programme de recommandations ! Des cadeaux ! 🎁
Ça fait maintenant 4 ans que je publie cette newsletter un lundi sur deux, et que je passe une bonne partie des lundis aprems à répondre à celles et ceux d’entre-vous qui réagissent. Et c’est de loin mon canal de discussion préféré !
J’avais envie qu’on aille un cran plus loin en mettant en place un programme de recommandations qui vous permet de gagner des cadeaux en partageant Le Billet du Futur autour de vous.
Alors comment ça se passe ? C’est super simple !
En cliquant sur le lien de parrainage ou le bouton « Partager » dans les posts, vous gagnez un crédit pour chaque nouvel abonné provenant de votre partage.
En fonction du nombre de personnes qui rejoignent la newsletter grâce à vous, vous gagnez des cadeaux !
Dès 10 emails : des stickers Work in Progress pour pimper votre PC
Dès 25 emails : une invitation à l’avant-première du prochain documentaire
Dès 100 emails : un call de 30 min ensemble
Et un deux bons plans : le programme CENO de Youth Forever reprend à la rentrée pour 4 nouvelles dates : mardi 17 et 24 octobre, et lundi 6 et 13 novembre dans le 6ème à Paris ! Un programme pour se faire entendre et être entendu ! Toutes les infos sont par ici !
Delphine Zanelli, Baptiste Benezet et Tim Le Vert organisent une après-midi de partage et d’action pour aider les décideurs à initier leur roadmap RH 2024 le mardi 10 octobre, inscriptions ici.
Corner WIP
Vous n’avez pas eu votre dose de Work in Progress ? Passons une heure de plus ensemble. 🤗
Visionnez mon premier documentaire, Work in Progress (2021)
Visionnez mon deuxième documentaire, Why do we even work? (2022)
Visionnez mon troisième documentaire, Time to Work (2023)
Lisez la Bande Dessinée Et si on travaillait autrement ? (2022), la suite arrive en novembre !
Et surtout écrivez-moi vos retours, ils sont précieux pour la préparation des prochains projets.
Bonne journée ! 🌞
Tes initiatives et ce travail de recherche, de réflexion sont vraiment inspirants !
Je me disais que j’aurais bien aimé écouter tes interviews entières, à la manière de Génération Do It Yourself, de M. Stéphanie. Une idée peut-être ?