Bonjour tout le monde ! J’espère que vous allez bien, bonnes vacances à ceux qui les démarrent, bonne reprise à ceux qui rentrent et bon courage à ceux qui n’en prennent pas. De mon côté je reviens de deux semaines en Islande à sillonner l’île en van, ceux qui me suivent sur Instagram le savent peut-être déjà. Si ce billet a été écrit à mon retour, il a eu le temps de mûrir dans ma tête pendant ces longues journées de contemplation des paysages, tantôt lunaires et verdoyants qui défilaient devant le pare-brise de notre van.
Il y a quelques semaines, Welcome to the Jungle a publié un ebook intitulé “Recrutement, la fin du règne des diplômes” pour lequel Laetitia Vitaud m’a interviewé aux côtés de mon ami Idriss. Ce temps des vacances m’a permis de faire le bilan sur mon cursus en école et de m’interroger sur les enjeux liés à ce diplôme que je risque de bientôt recevoir en guise de récompense pour ces 4 années de travail studieux. (J’ai menti !🤥)
Bonne lecture,
Sam
PS : Les nouvelles du documentaire sont en fin de billet.
J’ai volontairement choisi cette image provocante, because, no you’re not done when you graduate in your twenties, you’re just getting started!
Dans quelques mois je serai diplômé de Grenoble Ecole de Management (GEM), à vrai dire j’ai déjà terminé ma scolarité, il ne me reste plus qu’à rendre un mémoire avant d’obtenir mon diplôme. On me demande souvent mon retour d’expérience sur ces études et j’ai du mal à avoir une position affirmée sur le sujet.
D’un côté j’ai passé des années formidables, à la fois en termes d’expériences vécues, de rencontres, de projets réalisés et je suis à peu près certain que l’environnement dans lequel j’ai baigné a contribué à mon épanouissement et à la réussite des activités menées en parallèle de ces études. La direction m’a d’ailleurs toujours soutenu et encouragé dans ces différents projets qui me faisaient sortir du parcours traditionnel. De l’autre côté, je suis extrêmement déçu de la formation et je n’ai pas l’impression de mériter un diplôme pour le peu que j’ai appris dans les cours suivis.
Après un retour rapide sur mon expérience vécue en école, je propose quelques pistes pour considérer différemment les diplômes et la scolarité.
Une feuille blanche 🗍
Le diplôme que je vais recevoir dans quelques mois, censé acter le passage de l’état “en études” à l’état “prêt à travailler” n’est rien d’autre qu’un papier qui ne présage en rien de mes capacités à entrer dans le monde de l’entreprise. Il atteste simplement que je savais faire des dissertations de 15 pages et calculer des dérivées il y a 4 ou 5 ans. Je doute d’ailleurs de pouvoir en faire autant aujourd’hui. Tout le monde s’en fiche de savoir que j’ai été très bon en maths et en éco et très mauvais en philo et contraction de texte, pourtant c’est sur ces bases là que j’ai été sélectionné à l’entrée de GEM et mon diplôme ne reflète que cette sélection à l’entrée.
Mon capital de connaissance n’a pas vraiment évolué dans les cours suivis, j’ai appris quelques notions de finance et quelques notions juridiques qui me servent rarement. Le reste, ce n’est certainement pas en classe que je l’ai appris mais plutôt dans tous les projets annexes que j’ai mené en parallèle des cours : entrepreneuriat, freelancing, engagement associatif … l’épreuve du réel est bien plus efficace qu’une vingtaine d’heures de cours avec des intervenants plus ou moins pédagogues et passionnés.
Je précise tout de même que certains de mes professeurs sont formidables et je m’estime chanceux d’être tombé dans leurs classes à un moment donné mais ils ont été trop peu nombreux pour que ce soit le sentiment dominant qui m’anime avec du recul.
J’étais très heureux le jour où j’ai été admis à GEM, je me rappelle une pointe de déception quand j’ai manqué l’EM Lyon, très vite oubliée à partir de la rentrée. (Je visais une école pas trop loin des montagnes). La remise des diplômes, elle, sera un non-évènement, le passage d’une année à l’autre et les examens finaux ne sont qu’une formalité, ceux de cette année ont même été annulés pour cause de COVID. Ils n’ont pas été reportés ou aménagés, simplement annulés, c’est dire leur importance !
Pour ma dernière année d’étude, j’ai eu l’opportunité de suivre le Master Spécialisé Entrepreneur (MSE) de GEM que j’ai choisi de ne pas terminer en m’arrêtant avant la thèse professionnelle tant j’ai été déçu de l’enseignement.
L’année s’est résumée à rédiger des business plans et des SWOT, emballés dans des rapports de 60 pages dont les trois quarts sont du bullshit. Le plus frustrant était que ces rapports étaient destinés à des entrepreneurs de la région qui avaient parfois de vraies problématiques et qu’il aurait été hautement intéressant de les aider s’il n’avait pas fallu répondre aux “exigences académiques et pédagogiques”, déconnectées du besoin de l’entreprise. A aucun moment on ne nous a parlé d’échanges avec les utilisateurs, de product, de growth, de recrutement, de culture d’entreprise … Curieux pour une formation à l’entrepreneuriat non ?
Tout le monde sait bien que l’on ne fait pas une école de commerce pour la qualité de l’enseignement. Notre professeur d’éco en prépa lui-même nous disait de profiter de ses cours car chaque année, les mêmes qui se plaignaient de l’intensité de ces deux années de préparation revenaient se plaindre du vide abyssal des cours en école quelques mois plus tard. La transition est vertigineuse !
Bien que cette situation soit largement admise, je n’arrive pas accepter qu’il soit normal que l’école se résume à un réseau et un statut. Mes attentes sont-elles trop élevées ? Lorsque l’on regarde du côté des efforts déployés afin d’effectuer la sélection à l’entrée et les tarifs de ces écoles, tout laisse à penser que nous pourrions être mieux récompensés :
Lorsque nous déboursons +10k l’année (et GEM est l’une des moins chères), nous pourrions espérer en ressortir avec de vraies connaissances, directement applicables dans nos projets. Sinon autant supprimer les cours et annoncer directement que seuls 10% d’entre eux ont un vrai intérêt. Nous sommes entraînés au présentéisme dès la formation !
Entrer en école pour son statut seul n’a de sens que si l’on souhaite intégrer une entreprise traditionnelle aux processus de recrutement et de promotion dépassés. Dès lors que l’on veut entreprendre, travailler en tant qu’indépendant ou rejoindre une entreprise qui recrute en fonction des compétences, le diplôme n’est plus le Saint Graal mais une information comme une autre dans le processus de décision.
Le réseau des anciens qui pouvait autrefois être très puissant et unique est de plus en plus contesté, avec LinkedIn nous avons accès aux réseaux des autres écoles et nous nouons de vraies relations en dehors du cercle des alumnis. La plupart de mes amis et des personnes de mon réseau ne sont pas issus de GEM, c’est pourtant avec eux que je travaille au quotidien. Par ailleurs, le réseau des anciens n’est qu’un réseau parmi une multitude de réseaux qui coexistent et se chevauchent. Ce serait bien réducteur de ne s’accrocher qu’à ce dernier.
Bon, c’est facile de se plaindre, mais quelles sont les solutions ?
Repenser les diplômes 🎓
En classes préparatoires, nous avions appris la théorie du Signal que Michael Spence a appliqué à l’enseignement supérieur. Dans son Ebook, Laetitia l’explique à merveille et la confronte à la vision du diplôme comme un capital. Dans mon cas, le diplôme est à la fois un signal (grâce à la sélection à l’entrée, mais je doute tout de même de sa puissance) et un capital (bien maigre).
Est-il encore pertinent de juger des qualités d’une personne tout au long de sa vie sur la simple base d’un diplôme obtenu dans sa jeunesse ? S’il reflète un véritable apprentissage de compétences, le diplôme ne devrait être valide que quelques années, cinq tout au plus. Au-delà, les compétences intégrées deviennent obsolètes et il faudrait alors les mettre à jour, les compléter afin de redonner de la légitimité au diplôme.
En ce sens, les acteurs comme OpenClassrooms ou LiveMentor viennent repenser ce modèle de l’éducation dans le bon sens, ils permettent un apprentissage à tous les stades de la vie et assument qu’un MOOC suivi en 2020 sur l’intelligence artificielle ou l’UX Design ne sera certainement plus à jour dans une dizaine d’année.
Les acteurs traditionnels de formation n’ont pas à être exclus, ils devraient au contraire être les premiers à proposer à leurs alumnis de mettre à jour leurs compétences et à proposer une réflexion autour de l’image que doit refléter leur diplôme.
Une façon de véritablement considérer le diplôme comme un capital qui permettrait de sortir d’une école en étant opérationnel serait de permettre aux étudiants de travailler sur de véritables projets au fil de leur scolarité. Certaines associations d’écoles ont déjà l’envergure d’entreprises, il s’agirait de professionnaliser les étudiants à travers ces activités en intégrant bien plus profondément l’engagement dans l’association au cursus scolaire. Cela existe déjà à GEM à travers un parcours qui laisse plus de temps afin de s’investir dans l’association mais pourrait être largement renforcé en faisant des ponts avec les différents cours suivis, en accompagnant les étudiants dans des formations et des mises en relations complémentaires et spécifiques en fonction des thématiques d’engagement …
Une autre piste est de proposer aux étudiants de travailler en freelance en parallèle de leurs études, ou de lancer leurs propres projets. En ce sens, Thomas Burbidge s’est investi dans la création d’un cursus extrêmement opérationnel permettant aux étudiants de se former avec de véritables missions freelances intégrées à leurs cours avec l’ESEC Digitale.
Pour avoir effectué une vingtaine de missions en parallèle de mes études, c’est une activité extrêmement formatrice et lucrative dans une vie étudiante.
Enfin, si nous voulons que le diplôme soit à nouveau pris au sérieux, il doit prouver des compétences acquises durant les années d’études, pas seulement refléter la sélection à l’entrée. De véritables épreuves de sortie, avec un classement, auraient le mérite de justifier des compétences de chacun et de donner envie de travailler tout au long du cursus. Cela ne peut fonctionner qu’à condition que les programmes soient repensés pour être intéressants et utiles.
Et qui mieux que les élèves et les recruteurs pour repenser ces programmes ? Si j’étais à la tête d’une école de commerce, ma première décision serait de réunir un panel d’étudiants, d’anciens étudiants et de recruteurs pour recueillir leurs recommandations quant aux programmes, aux rythmes, aux épreuves … afin de les adapter aux besoins et désirs actuels qui évoluent.
Par ailleurs, dans une époque où l’information et les connaissances sont largement disponibles en ligne, le coût des écoles parait bien élevé par rapport aux nouveaux acteurs. Le jour où les recruteurs s’intéresseront plus aux compétences qu’aux diplômes, les écoles aux prix exorbitants n’auront plus lieu d’être sous leur forme traditionnelle.
Il risque malheureusement de s’écouler encore quelques années avant que la mention “issu d’une grande école” soit définitivement rayée des fiches de postes.
Si la structure de coût des écoles ne leur permet pas d’envisager une baisse des frais de scolarité, nous pouvons en revanche imaginer de nouvelles formes d’aides aux étudiants :
Une formation que l’on payerait uniquement à sa sortie et conditionnée à l’employabilité (ou mieux, le démarrage d’un travail rémunérateur qui n’est pas nécessairement un emploi) sur le même modèle qu’IconoClass.
La rémunération des étudiants qui délivrent des prestations professionnelles aux entreprises partenaires de l’école. Cette année au sein de mon Master, plusieurs entreprises de la région grenobloises postulaient afin de bénéficier de l’expertise de trois consultants juniors (nous, les étudiants) sur leurs problématiques. Des missions qui devraient être payées ! Vous imaginez ma schizophrénie naissante cette année lorsque je travaillais la journée sur une mission imposée par mon Master, pas toujours intéressante et non payée et que je rentrais le soir chez moi travailler sur une mission passionnante, choisie et bien rémunérée !
Certains étudiants travaillent énormément pour leurs associations, lorsque cela est possible, ils devraient être rémunérés à la hauteur de leurs investissements, pas uniquement dans le cadre des Juniors Entreprises.
Disclaimer :
Je ne crois pas que mon sentiment à l’égard de l’enseignement soit propre à GEM, lorsque j’échange avec mes amis dans les autres grandes écoles, leur expérience est similaire.
Si j’ai trouvé l’enseignement et l’équipe dirigeante de mon Master médiocres, je suis bien l’un des seuls, la plupart de mes camarades ont beaucoup aimé leur expérience.
TLDR :
Repenser les programmes, épreuves et rythmes avec les étudiants et recruteurs.
Redonner une vraie valeur au diplôme avec des examens de véritables examens de sortie, une “date limite de validité des compétences” et une proposition d’actualisation tout au long de la carrière.
Proposer des alternatives formatrices et rémunératrices aux étudiants qui le souhaitent afin d’adoucir le coût des études.
Aiguisez votre regard sur le sujet 👀
Lisez cet ebook très complet de Laetitia Vitaud : Recrutement : la fin du règle des diplômes.
Valentin Decker a écrit un excellent article intitulé l'Ère des projets dans lequel il explique que les projets remplacent peu à peu les diplômes.
News 🔥- Documentaire 🎥
Si vous avez lu la dernière édition du billet du futur, vous savez déjà que la réalisation du documentaire Work in Progress a commencé. Merci pour votre soutien, vous avez été nombreux à m’écrire et à partager la nouvelle, vous serez aux premières loges pour suivre l’avancée des tournages et vous serez les premiers au courant des avant-premières à l’hiver prochain !
Depuis, nous avons publié la première vidéo backstage avec Laetitia Vitaud et quelques photos du tournage sur les réseaux (Laetitia m’a initié au Yoga dans son jardin en Normandie). Choisissez votre réseau préféré et suivez-nous pour ne rien manquer ❤️
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Après une courte pause estivale, les prochains tournages du documentaire et de nouveaux formats reprennent dès la deuxième quinzaine d’août, en France et en Europe !
Work in Progress est un documentaire soutenu par SThree, Randstad, Le MAIF Start up Club, Natixis, comet et LittleBig Connection.
J’aurai plusieurs occasions de vous présenter ces partenaires et leurs engagements pour le Future of Work, notamment à partir de septembre. En attendant je ne peux que vous inviter à visiter leurs sites web, je suis très fier et très heureux qu’ils soient à mes côtés sur ce projet !
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Bonne journée ! 🌞